Prix et remboursement des audioprothèses : enjeux de santé publique et enjeux économiques

Le Syndicat National des Audioprothésistes UNSAF tire la sonnette d'alarme.

Publié le 14 février 2014



La France est très en retard en matière de remboursement des audioprothèses.
Quelles conséquences pour une population vieillissante ?


Etat des lieux financier et propositions d'une profession mobilisée pour lutter contre la malaudition, facteur de déclin cognitif et de risques accrus d'entrée en dépendance.


La situation actuelle pour les adultes : 1 000 euros par appareil à la charge des patients

  • L'audioprothésiste est un professionnel de santé dont les prestations, sur prescription médicale, s'appuient sur le matériel qu'il propose, adapte et délivre.

  • Notre pays compte 6 millions de malentendants dont 2,5 à 3 millions devraient être équipés.
    Seuls 1,5 le sont.

  • 480.000 appareils sont délivrés chaque année pour les adultes par 2700 audioprothésistes.

  • L'Assurance Maladie rembourse 120 € par appareil, les complémentaires santé 350 € en moyenne, soit 470 € au total.

  • Le coût moyen d'une audioprothèse, toutes gammes confondues, est de 1535 €.
    Ce coût comprend l'appareil luimême, la prestation initiale (analyse, adaptation de l'appareil et réglages) et le suivi prothétique étalé sur 5 ans en moyenne.

  • Il reste à la charge des patients environ 1 000 € par appareil (1 535 € moins 470€).


Pourtant, un secteur aux prix proches de ceux du réseau mutualiste

  • Le président de l'enseigne Audition Mutualiste de la Mutualité française (350 centres, 10% du marché) :
    « Sans profit et avec une centrale d'achat, nous diminuons seulement la facture de 10 à 15% »

  • Dans le réseau mutualiste, le prix moyen est de 1 345 €, soit à -12% du prix moyen du secteur.










Les prix en France dans la moyenne basse Européenne



En France, les plus faibles remboursements, le meilleur taux de satisfaction

  • Pour les enfants jusqu'à 20 ans, le remboursement par appareil en France est de 840 €.
  • Pour les adultes, le remboursement moyen de l'Assurance Maladie et des complémentaires en France, environ 470 €, est inférieur aux seuls remboursements publics des pays limitrophes.
  • L'enquête internationale EuroTrak 2009 montre que le taux de satisfaction des malentendants en France (86%) est nettement supérieur qu'en Allemagne (72%) ou au Royaume-Uni (77%).



Une priorité de santé publique dont le remboursement doit être revalorisé

  • La Cour des Comptes, en septembre 2013, propose un transfert des remboursements « au bénéfice d'autres priorités de santé publique et notamment les audioprothèses ».

  • En octobre 2013, l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) traite des « aides techniques, un instrument de prévention à la dépendance » et demande la revalorisation « prioritaire concernant les prothèses auditives dont la prise en charge au titre de l'assurance maladie est actuellement fortement déconnectée de la réalité économique ».

  • Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) évoque, dans son rapport annuel publié en décembre 2013, certains secteurs « que la solidarité n'a pas vocation à prendre en charge. Ce n'est pas le cas pour les prothèses auditives pour lesquelles le HCAAM a déjà regretté les défauts de prises en charge »


Etat des lieux et enjeux



Etat des lieux et Enjeux

Les malentendants en France

En France, le nombre de malentendants est estimé à 5 à 6 millions (1) de personnes.

En termes d’âge, un tiers d’entre eux ont moins de 60 ans, un tiers ont entre 60 et 75 ans et enfin un tiers ont plus de 75 ans (2).

Parmi les causes de la surdité : l’âge majoritairement (presbyacousie), le bruit, les surdités congénitales ou pathologiques.

L’appareillage a connu une nette progression depuis 2002 et est passé de 290 090 appareils délivrés en 2002 à 519 994 en 2012 (3).
L’année 2012 est caractérisée par une relative stabilité : + 0,38%.

Aujourd’hui, en France, environ 1,6 million de personnes utilisent des appareils auditifs (4).


L’IGAS estime que 2,5 à 3 millions de personnes
auraient besoin d’être équipées dans notre pays
(5).


L’appareillage : freins économiques et psychologiques

Les principaux freins identifiés sont le coût restant à la charge du patient, le manque d’information et de dépistages, et surtout une barrière psychologique lourde ; malgré les progrès récents en termes de technologie, de design et de confort, les aides auditives ne sont pas associées à leur réalité de produits de haute technologie discrets et efficaces.

Elles restent perçues comme des attributs du troisième âge, bien plus que le fauteuil roulant ou la canne... (6)


Le renoncement aux soins est multifactoriel


Le taux d’appareillage varie peu en fonction des revenus (7)

Diminuer le coût des appareils auditifs n’est pas suffisant pour motiver les adultes avec une baisse d’audition modérée à acquérir un équipement à un âge plus précoce ou avant que leur audition ne se détériore.

La demande est relativement inélastique au prix, car les appareils auditifs sont perçus comme des biens de nécessité8.


La surdité à l’origine de troubles cognitifs

Selon l’Insee, la part des personnes de plus de 60 ans va augmenter jusqu’en 2035, pour atteindre 31% contre 17% actuellement.
En 2035, les personnes de plus de 75 ans devraient représenter 13,6% de la population et le nombre de personnes dépendantes devrait s’établir à 1,55 million.
Ces données démographiques impliquent une mobilisation pour prévenir au mieux le poids économique et social de la dépendance.

Anxiété, paranoïa et dépression en particulier sont aggravées par le handicap auditif.
Un appareillage adapté contribue à éviter le repli sur soi, ce dernier conduisant souvent chez la personne âgée à des problèmes de mobilité, puis à des problèmes mnésiques aux conséquences lourdes.


Une corrélation entre vieillissement, perte de l'ouïe
et accroissement du risque de sénilité
(9)


« Même un degré modéré de baisse d’audition triple presque le risque de chute » (9).
Poser la question de la dépendance c’est prévenir ces risques physiques ; mais c’est également prévenir le développement ou l’aggravation de troubles cognitifs.
Michèle Delaunay, Ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie, a rappelé qu’une personne âgée qui a une perte sensorielle auditive importante s’isole […], ce qui est un facteur de perte cognitive majeure, et que le non appareillage auditif fait perdre 7 ans d’espérance de vie en bonne santé (10).
Les personnes âgées souffrant de perte auditive ont une accélération du déclin cognitif supérieure de 30 à 40% (11).


La prévention de la dépendance a un retour sur investissements rapide


Il est facile de retarder de quelques mois l’entrée en dépendance,
en traitant précocement les handicaps sensoriels

Etienne Caniard, président de la Mutualité Française, abondait déjà en ce sens dans une intervention de février 2013.
Il rappelait alors qu’il existe des possibilités tangibles d’accompagner les individus plus longtemps dans l’autonomie en ces termes :
« Nous travaillons […] sur les dispositifs de détection et de prévention des risques sensoriels pour les personnes âgées, essentiellement la vue et l’audition. Avec une approche globale, les résultats sont spectaculaires (12). »

Soit on enclenche immédiatement des coûts liés à la prévention, soit on se dirige vers des coûts exponentiels liés au placement plus fréquent et plus précoce en institution.


(1) 9.4% de prévalence, EuroTrak France 2012
(2) Le handicap auditif en France, Drees, août 2007
(3) Snitem (Syndicat National de l’Industrie des Technologies Médicales)
(4) Etude Synea « Analyse prospective de la démographie des audioprothésistes », avril 2013
(5) Rapport IGAS « Evaluation de la prise en charge des aides techniques pour les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées » établi par Philippe Blanchard, Hélène Strohl - Maffesoli, Bruno Vincent - Avril 2013
(6) Etude Hear the World, Les aides auditives restent mal perçues, février 2010
(7) EuroTrak France 2009
(8) Rapport « Appareils auditifs en Belgique », KCE reports 91B, 2008
(9) Revue de Gériatrie, Tome 32, N°6 Juin 2007 - / Archives of Neurology, Hearing Loss and Incident Dementia–février 2011
(10) Introduction à la Conférence Dépendance, Les Echos Conférences, 26 mars 2013
(11) Etude « la perte auditive prédictive de déclin cognitif chez le patient âgé», publiée le 21.01.2013 dans le JAMA Internal Medicine
(12) Source : http://www.nile-consulting.eu/drop/1-420.pdf









Les audioprothésistes




Les audioprothésistes


Le métier d’audioprothésiste

  • La France compte 2 700 audioprothésistes

    Titulaire d’un Diplôme d’Etat, l’audioprothésiste est un professionnel de santé dont la formation comprend l’anatomie et la physiologie de l’oreille, l’électronique, l’audiologie, l’informatique, la psychologie des malentendants.
    Elle est dispensée dans 6 centres d’enseignement en 3 ans, après un concours d’entrée.
    Une 7ème école ouvrira en 2014.

    La typologie par taille et part de marché des centres d’audioprothèse en France (13) ainsi que par type de structures est présentée dans le tableau ci-dessus.

    La majorité des indépendants fait partie de groupements leur fournissant enseigne et/ou centrale d’achat. Les succursalistes sont 2 groupes de même taille, côtés en bourse : Audika et Amplifon. Ils emploient exclusivement des audioprothésistes salariés.

  • La pratique : audiométrie, appareillage, réglages et suivi des patients

    Le diagnostic préalable de l’ORL permet de déterminer si la solution la plus pertinente est la chirurgie, un traitement médicamenteux, ou l’appareillage.
    Dans ce cas, la délivrance de chaque appareil de prothèse auditive est soumise à la prescription médicale obligatoire.

    Le travail de l’audioprothésiste suit un processus qui s’inscrit à la fois dans l’expertise technique et dans la durée.
    Il est composé de plusieurs étapes fondamentales : dans un premier temps, il évalue la situation audiologique, psychologique, physique d’une personne et réalise des tests spécialisés sur les mots et les sons ; puis il propose une démarche d’appareillage individualisée et l’adapte aux besoins et aux caractéristiques de chacun.
    Il exerce le suivi de cet appareillage sur plusieurs années avec des visites, au minimum, bi-annuelles.


Proposition UNSAF :

contrôler les conditions d’exercice du métier d’audioprothésiste,
encadrer la publicité pour éviter des pratiques trompeuses,
et enfin mieux informer pour favoriser le dépistage, notamment vers 60 ans.

___________________________


« Même le meilleur appareil auditif du marché ne donnera pas satisfaction,
s’il n’est pas bien adapté par un professionnel »
(14)

Grâce à sa formation continue et à sa connaissance des innovations technologiques, l’audioprothésiste sait que le « parcours de soins » ne s’avère efficace que grâce à l’écoute et la pédagogie.
C'est-à-dire à sa capacité à accompagner psychologiquement et humainement les patients, étape après étape, en personnalisant l’appareillage et son usage.


Le prix des audioprothèses

L’appareillage auditif d’une oreille coûte entre 900 et 2 100 € (1 535 € (15) en moyenne).
Ce coût comprend : l’appareil lui-même, la prestation initiale (analyse, adaptation de l’appareil et réglages) et le suivi étalé sur 5 ans en moyenne.


Proposition UNSAF :
un tarif « social » pour les bénéficiaires de la CMU et de l’ACS16


Le remboursement diffère en fonction de l’âge de l’assuré : pour les moins de 20 ans, le remboursement est de 840 € par appareil.
Pour les adultes, le remboursement se fait sur la base de 120 € par appareil, avec un reste à charge moyen de 1 000 €.

La somme du remboursement de la sécurité sociale et des complémentaires santé en France pour les adultes, environ 470 €, est inférieure aux seuls remboursements publics des pays limitrophes.


Si le remboursement public en France était équivalent à celui de la Belgique,
le reste à charge pour un adulte serait divisé par 2 (environ 500 euros).
Equivalent à celui de l’Allemagne, il serait divisé par 4 !


_____________________________


Proposition UNSAF :
sensibiliser le grand public et les parlementaires
sur l’indispensable revalorisation du remboursement public



Les bonnes performances des audioprothésistes français

En 2009, l’EHIMA (18) a initié une étude d’une ampleur inédite sur l’appareillage auditif, la prévalence et l’utilisation des appareils, appelée EuroTrak, en Allemagne, en France et au Royaume-Uni.
44 710 personnes ont été interrogées.
Un total de 1 517 porteurs d’appareils auditifs a été questionné sur leur satisfaction et de 2 430 malentendants non appareillés sur les raisons de leur non adoption (19).

Ces résultats mettent en évidence les performances des audioprothésistes français, notamment en proposant un accompagnement approfondi aux personnes qui les consultent, facteur indispensable pour leur donner satisfaction.

En 2012, Eurotrak a étendu son champ de comparaison de 3 à 7 pays développés.
La France ex-aequo avec la Suisse, confirme ses bonnes performances. Le taux de satisfaction des personnes appareillées au Japon est au plus bas : 36%, alors qu’il est de 86% en France.
Il ne compte que 14% d’appareillés (19), contre 38,8% pour la Suisse et 29,6% pour l’Italie.

Autre enseignement de l’étude : 44% des appareils délivrés au Japon le sont en dehors d’un circuit médical balisé permettant un suivi régulier, les services d’un audioprothésiste et une adaptation personnalisée des prothèses.
Achetés sur internet, en magasin d’optique ou d’électronique, ils n’apportent pas le mieux-être escompté à leurs utilisateurs qui confondent ces produits sans accompagnement humain avec les bénéfices des services d’un professionnel.
Motif d’inquiétude supplémentaire : l’absence de suivi peut se doubler d’une absence de diagnostic de pathologies, parfois graves, non douloureuses.


La pertinence du modèle européen,
associant diagnostic et prescription médicale préalables
avec un accompagnement dans le temps par l’audioprothésiste,
est donc avérée.



(13) cf. étude Unsaf sur les données Sniiram
(14) Source : « Reducing hearing aid cost does not influence device acquisition for milder hearing loss, but eliminating it does », The Hearing Journal, Mai 2011
(15) Source CNAMTS
(16) Aide pour une Complémentaire Santé
(17) Amplifon, Rapport annuel 2012, page 37
(18) European Hearing Instrument Manufacturers Association
(19) Source Eurotrak 2009




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