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Les enjeux de l'expérience patient

Amah KOUEVI, Directeur de l’Institut Français de l’Expérience Patient (IFEP) nous éclaire sur la place essentielle de l'expérience patient dans notre système de santé. Tous concernés !

Publié le 16 novembre 2020

Amah KOUEVI, Directeur-Fondateur de l'Institut Français de l'Expérience Patient (IFEP) nous partage son point de vue sur les enjeux de l'expérience patient dans notre système de santé, notamment en la période actuelle de crise sanitaire.

Capgeris

Pourquoi est-on parvenu, selon vous, à un tournant décisif pour l'expérience patient ?

Amah KOUEVI

On est actuellement dans une période extrêmement intéressante, décisive, car après plusieurs années où ce concept, un peu comme un effet de mode, s'est propagé dans les discours et les différentes sphères où les thématiques de qualité et de management en santé existent, aujourd'hui on est face à un besoin de concrétisation, de mise en pratique et, avec la crise actuelle liée à l'épidémie Covid, on voit bien qu'il y a une attention marquée aujourd'hui pour le vécu des patients, et je pense en particulier aux patients non-Covid qui ont vu leur trajectoire de soins bouleversée par la crise. S'intéresser à ce vécu, à ce qui se passe quand les patients sont en dehors du système de santé, quand les patients sont chez eux, comme c'est le cas pour les malades chroniques, c'est s'intéresser à leur expérience patient dont on peut tirer énormément d'informations, énormément d'enseignements sur les façons dont on peut réorganiser le système de santé, retravailler les pratiques professionnelles, améliorer la communication entre les structures de santé et leurs malades, monitorer à distance également l'évolution de la maladie chez les patients...

Quand je dis qu'on est à un tournant, je le vois aussi à travers l'investissement significatif de l'industrie de santé dans l'expérience patient. Ça peut passer par des systèmes experts qui vont permettre de superviser l'expérience des patients à leur domicile - je pense notamment à des patients qui suivent un traitement de chimiothérapie orale à domicile. On va avoir de plus en plus de dispositifs qui vont leur permettre de faire remonter l'évolution de leurs symptômes, éventuellement de leurs effets secondaires, de leurs paramètres de santé et même de leur bien-être, ce qui va complètement bouleverser la façon dont ils sont suivis et pris en charge.

Un exemple : auparavant, on renvoyait les patients suivre leur traitement à domicile et, charge à eux, si leur état se dégradait, de recontacter le service médical. Avec les applications de suivi à domicile, cette charge est en partie inversée, c'est-à-dire que le patient fait remonter des éléments sur ce qu'il vit à distance de l'hôpital et il y a une équipe de professionnels de santé qui fait une veille, une veille facilitée par la mise à disposition de ces outils informatiques et conjuguée à des alertes qui peuvent remonter aux équipes de soins qui vont prendre l'initiative du contact avec le patient si d'aventure, il y avait une dégradation de son état de santé. C'est un bénéfice immense pour les patients de ne pas avoir à décider seuls s'il est utile ou opportun de recontacter l'équipe de soin.

D'une manière générale, on voit bien que des efforts sont faits par les industriels pour que la technologie rende l'expérience des patients plus soutenable, beaucoup moins angoissante quand c'est possible.

Capgeris

N'y a-t-il pas un risque d'exclusion de certains patients avec cette évolution vers le télé-suivi ?

Amah KOUEVI

Assurément, mais, a contrario, en faire déjà bénéficier certains cela peut éventuellement libérer du temps pour d'autres. Cette explosion de la téléconsultation, constatée pendant la période Covid, est évidemment une chose positive : on a énormément de professionnels de santé qui étaient réticents et qui, progressivement, ont compris l'intérêt, en situation de crise et même au-delà, pour offrir de nouvelles possibilités à leurs patients, d'entrer en consultation avec eux. C'est une bonne nouvelle. Mais, naturellement, la consultation à distance est un exercice singulier : de quelle manière on reconstruit une relation de confiance entre un patient et son médecin, à distance, c'est quelque chose qui reste encore largement à explorer.

C'est la raison pour laquelle, au sein de l'IFEP, des travaux thématiques ont été lancés sur l'expérience en téléconsultation, parce qu'avec le développement de cette modalité à distance, il semble véritablement qu'il faille accompagner les patients et les professionnels de façon à ce qu'on puisse faciliter la généralisation de cet usage mais avec un bénéfice partagé. À ce stade il s'agit encore d'un travail thématique dont l'enjeu et de réunir plusieurs expertises, de faire des enquêtes, afin de pouvoir produire des pistes à destination de tous ceux qui voudraient accentuer l'usage de la téléconsultation dans de bonnes conditions. Aujourd'hui, les investigations conduisent à mettre l'accent sur certaines phases critiques de cet exercice et à essayer de voir, dans quelles mesures, on peut aborder ces stades critiques le mieux possible pour les patients.

Dans le cadre de ces travaux, une enquête a été réalisée auprès de patients ayant eu recours à la téléconsultation, qu'ils l'aient utilisée pour la première fois à l'occasion de cette crise épidémique ou qu'ils l'utilisaient déjà de manière régulière auparavant et, dans les deux cas, c'est intéressant de les questionner sur ce qui est important à leurs yeux, sur le poids que revêt la technologie sur la relation qu'ils ont avec leur médecin, sur les avantages qu'ils y trouvent - que l'on peut imaginer aisément : gain de temps, disponibilité, accessibilité... - et aussi sur les inconvénients avec les difficultés de connexion, les problèmes informatiques y afférents et peut-être aussi ce lien qui peut paraître moins humain, plus technologique, arriver à savoir s'il a des répercussions sur leurs perceptions ou pas.

Capgeris

Pour pallier les difficultés d'accès aux nouvelles technologies pour certains patients, peut-on envisager la mise à disposition de lieux collectifs équipés ou d'accompagnement des patients ?

Amah KOUEVI

Il y a déjà des initiatives en ce sens. Par exemple des cabines de télémédecine qui peuvent être installées aussi bien dans des lieux de santé comme les maisons de santé, les pharmacies et pourquoi pas, à l'avenir, dans des lieux publics comme une mairie... Ces cabines de téléconsultation vont sans doute, avec le développement des usages, trouver de nouvelles localisations pourvu qu'on puisse garantir un minimum de confidentialité et un peu d'accompagnement.

Pour un pays aussi étendu que la France, avec une démographie médicale en berne et une répartition géographique de la ressource médicale extrêmement hétérogène, le constat sera vite établi que la consultation à distance, pour peu qu'elle soit faite dans de bonnes conditions, deviendra un usage clé dans la prise en charge et le suivi des patients.

A cet égard, il importe de souligner ce qui s'est passé dans quelques endroits à l'occasion de la crise épidémique : on a vu des médecins téléphoner ou reprendre contact, à leur initiative, avec les patients et cela nous rapproche d'un concept que les québécois connaissent bien, ce concept de responsabilité populationnelle, c'est-à-dire des médecins qui se préoccupent de l'état de santé de leurs patients, quand bien même ceux-ci ne les ont pas sollicités. En termes de prévention, cela correspond à un changement organisationnel et culturel extrêmement profond qui n'en est qu'à ses débuts. Les médecins devraient investir du temps - aidés par les infirmières en pratiques avancées et tout le système de santé en alliant le libéral à l'hospitalier - et se préoccuper de l'état de santé, notamment des malades chroniques, en faisant en sorte que l'on n'ait pas de patients « perdus de vue ».

Comme ce fut le cas à l'école où l'on s'est intéressé aux « perdus de vue » pendant la crise. On a aussi des malades chroniques que l'on a perdus de vue et que l'on ne retrouve que plus tard avec des diagnostics qui sont malheureusement plus sombres, plus avancés, des retards de prise en charge, et tout cela conduit à un système de santé qui est naturellement moins performant ou plus coûteux. Il y a un réel avantage à s'appuyer sur l'expérience des patients en continu.

Notre message : « tout le monde peut s'y mettre, il faut commencer maintenant »

Pour prolonger cette réflexion et revenir sur l'évolution souhaitée et ce que nous cherchons à faire sur le système de santé à l'IFEP, il convient d'insister sur le fait que l'expérience patient c'est un concept qui est finalement extrêmement large et inclusif. Quel que soit son rôle ou sa position dans le système de santé, on est concerné par l'expérience patient, en tant que patient quand il s'agit tout simplement de partager son expérience, et c'est alors un véritable trésor, un véritable cadeau à faire au système de santé que d'accepter de partager son expérience - il faudrait que de plus en plus de citoyens le fassent spontanément et ce, d'autant plus que l'on va avoir des professionnels de santé dont il faut espérer qu'ils vont être de plus en plus réceptifs à cette expérience patient comme un moyen de faire progresser leurs propres pratiques professionnelles et leurs propres organisations, et il y a là un vrai sujet de société, un sujet citoyen - et au-delà de ça, si les Pouvoirs Publics, le Ministère de la Santé et, de manière plus large, les sociétés savantes et les fédérations professionnelles ont pris ce tournant de l'expérience patient, nous avons devant nous la plus grande partie du travail à faire, c'est-à-dire de passer à la mise en pratique concrète et c'est notre rôle, à l'institut, d'accompagner cette mise en pratique concrète de l'expérience patient en étant extrêmement pragmatique, en démarrant progressivement et en tenant compte des capacités à faire de chacun.

Capgeris

Des initiatives déjà que vous auriez repérées dans cette démarche ?

Amah KOUEVI

Oui effectivement, certaines structures ont pris un peu d'avance, qui ont institutionnalisé ce type de démarche et puis il y a toutes celles que nous avons déjà accompagnées qui poursuivent leur chemin. On a quelques endroits en avance sur d'autres, on essaye, non pas d'en faire des modèles parce qu'on n'en est qu'au début et qu'on a envie de voir éclore une variété de méthodes et de façons de faire, plutôt qu'une seule approche que tout le monde copierait, c'est pour cela que je suis assez réticent à parler d'exemples à proprement parler, mais en tout cas, oui, on a des structures qui ont déjà commencé à investir un peu plus de temps, d'énergie, et parfois d'argent, pour que l'expérience patient progresse.

A cet égard, s'il y a eu des initiatives dans le secteur sanitaire, l'IFEP a aussi eu l'occasion d'accompagner des structures médico-sociales, en particulier dans le domaine du handicap : on a ainsi travaillé avec un institut médicoéducatif (IME), une structure qui accueille de jeunes enfants handicapés, et une structure spécialisée dans la rééducation de personnes âgées après intervention. Force est de constater que les démarches de prise en compte de l'expérience des usagers y ont toute leur place. Elles s'appliquent très bien dans ce secteur qui a une culture de la prise en compte globale de la personne, avec les projets de vie, les projets d'accompagnement personnalisé... il ne faut vraiment pas entendre dans l'expérience patient quelque chose qui serait exclusivement du ressort du sanitaire. Ça fonctionne très bien dans le secteur médico-social.

Capgeris

L'expérience patient n'est-elle pas aussi la clé pour concrétiser le vœu d'un système de santé qui se préoccupe davantage de la prévention ?

Amah KOUEVI

J'y crois fort, même si mes espoirs ont souvent été déçus en matière de développement de la prévention dans notre système de santé. Oui, l'expérience patient, comme la plupart des approches qui se veulent plus globales, où l'on soigne la personne et pas le symptôme ou la pathologie, forcément, si on se préoccupe de la personne, on va vouloir la maintenir dans la meilleure santé possible et c'est bien cela le défi de la prévention : tout entreprendre avant que l'état de santé se dégrade de manière irréversible. Cela peut être fait par une approche globale au niveau des individus, mais aussi des populations. Donc, oui, l'expérience patient, c'est clairement aussi une manière de développer cet axe de prévention et on a tout intérêt à s'orienter dans cette direction aujourd'hui.

Lire également notre autre article sur ce sujet:

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