Projet de loi d'orientation sur « L'adaptation de la société au vieillissement »

Projet d'avis du CESE

Publié le 26 mars 2014




La population française connaîtra un fort vieillissement :
le nombre des personnes de 60 ans et plus devrait passer de 15 millions en 2012 à 24 millions en 2060, celui des plus de 80 ans de 5,7 millions à 12 millions.


Si l'espérance de vie est élevée, l'espérance de vie sans incapacité stagne à 63,5 ans pour les femmes et 61,9 ans pour les hommes.
Pour autant, augmentation du nombre des personnes âgées ne signifie pas accroissement à proportion de la dépendance : en 2013, seules 17 % des personnes de plus de 85 ans sont dépendantes.
Les autres, même fragilisées et moins mobiles, souhaitent vieillir chez elles.
Le leur permettre le plus longtemps possible suppose de limiter ou de retarder la survenue des incapacités.
Pour le CESE, une intervention précoce, tout au long de la vie, en matière de bien être, de santé et d'accompagnement lors des ruptures du parcours de vie, contribue à la réalisation de cet objectif.
Cela nécessite aussi d'imaginer un urbanisme, des transports, des logements qui autorisent les âgés à rester dans leur "chez soi", leur environnement social, même s'ils deviennent plus vulnérables.

Le projet de loi d'orientation et de programmation vise à adapter la société au vieillissement.
Le Conseil économique, social et environnemental a été saisi le 18 février 2014 par le Premier Ministre pour avis sur ce projet de loi.

Les préconisations de ce projet d'avis rapporté par Daniel Prada (groupe CGT) au nom de la section des affaires sociales et de la santé présidée par François Fondard (groupe UNAF), et par Monique Boutrand (groupe CFDT) au nom de la section de l'aménagement durable des territoires, présidée par Jean-Alain Mariotti (groupe des Entreprises), seront présentées ce jour, 26 mars, à 12h00.
Le projet d'avis sera ensuite soumis au vote de l'assemblée plénière du CESE, à laquelle devrait assister la ministre déléguée Michèle Delaunay.

Le CESE se réjouit du changement de regard de la société proposé par le projet de loi.
Il s'agit d'une révolution copernicienne, le vieillissement étant encore trop souvent appréhendé sous le seul angle de la dépendance et il convient de mobiliser un ensemble de leviers au service d'une stratégie globale permettant de favoriser, le plus longtemps possible, l'autonomie des personnes âgées.


Le défi de la longévité, une opportunité pour tous

Comme l'indique le projet de rapport annexé au projet de loi, « la vieillesse est plurielle » : les gains d'espérance de vie sont très inégalement répartis selon les territoires et les catégories socio-professionnelles.
Les premières années de la retraite sont marquées par l'aide aux descendants et ascendants, l'engagement social, des activités diverses.
Puis, dans une deuxième phase, commencent souvent à être ressenties une fatigue, une fragilité physique ou sociale.
Enfin peut venir un « troisième âge » où, d'aidants, les âgés deviennent de plus en plus aidées.
C'est souvent à ce stade que peut intervenir la perte d'autonomie.

Le CESE souhaite encourager le bénévolat mais émet des doutes sur la création d'un « volontariat civique senior » envisagé par le projet de loi sur le modèle de celui ouvert aux jeunes.
S'il soutient le souci affiché, afin de rompre l'isolement des seniors, de développer la mobilisation de jeunes en service civique et de mettre en réseau les associations de bénévoles avec la Mobilisation nationale contre l'Isolement social des Âgés (MONALISA), le CESE insiste sur le fait que ce bénévolat ne doit pas se substituer à l'action des professionnels.

La part des âgés dans la société peut être source de déséquilibres, s'ils ne sont pas identifiés et si les politiques publiques n'accompagnent pas un changement de paradigme sur le regard porté sur le vieillissement.
Si le rapport annexé au projet de loi invite à « consacrer la place des âgés et reconnaître leur rôle fondamental dans la société », le CESE regrette que le projet de loi n'évoque pas la nécessité d'un engagement national concret sur ce point et préconise l'organisation de campagnes nationales de communication pour valoriser la solidarité entre générations.
Pour le CESE, un « gérontopôle » devrait être mis en place dans chaque région, en lien avec les universités, pour mieux connaître la répartition locale par âge et y adapter les réponses aux besoins.
Le CESE propose que les différents organismes de retraite incitent leurs ressortissants via leur portail internet à se poser les questions d'activités, de logement et de mobilité au moment du départ en retraite.
Il regrette que le projet de loi reste surtout (encore?) axé sur la sphère médico-sociale.
Pour intégrer la question du vieillissement, transversale, dans toutes les politiques publiques, il suggère de rattacher le secrétariat d'État aux Personnes Agées à un ministère plus large de l'Egalité et de la Solidarité.


Prévenir le vieillissement

Le CESE adhère à l'orientation contenue dans le titre I du projet de loi « Anticipation de la perte d'autonomie » qui fait de la lutte contre les inégalités sociales une priorité.
Le CESE fait plusieurs préconisations en matière de prévention sur l'éducation, le dépistage, l'action sur les déterminants économiques et sociaux des addictions, la juste utilisation des médicaments...
Toutefois, il s'inquiète de l'absence de traitement dans le rapport annexé, des liens entre la santé, l'autonomie de la personne, les conditions environnementales et le travail et sera, à ce titre, très vigilant sur l'articulation entre le projet de loi et la stratégie nationale de santé.
Par ailleurs, le CESE approuve les axes de réforme de l'article 6 du projet de loi, qui prévoit une coordination des actions sociales des régimes de retraite de base (CNAV, MSA et RSI) pour une offre commune de préservation de l'autonomie.
Ce dernier salue pour ce faire le choix du conventionnement entre l'État et ces régimes.


Bâtir le vivre ensemble pour tous les âges

Le phénomène du vieillissement concernant nombre de pays, il est possible de s'appuyer sur de bonnes pratiques expérimentées ailleurs, en les adaptant aux caractéristiques de la France.
Mais surtout, les expériences innovantes, conduites avec succès sur certains territoires (réseau Villes amies des aînés, résidence intergénérationnelle Simone de Beauvoir à Rennes, label « Habitat Seniors Services », Rhône+ etc.) doivent leur réussite à une démarche partenariale conçue globalement et avec l'ensemble des acteurs.


Permettre de vieillir plus longtemps chez soi

Pour le CESE, permettre de vieillir « chez soi » doit devenir une priorité pour toutes nos politiques publiques de l'échelon national à l'échelon local.
Cela suppose d'identifier les zones favorables au vieillissement, car disposant à proximité de services, de transports en commun et d'espaces verts, pour y développer une politique d'adaptation des logements en partenariat avec les promoteurs, bailleurs sociaux et autres acteurs, de mettre en place au niveau intercommunal une information sur les logements adaptés, ainsi que de faciliter les mobilités pour les âgés (déplacements pédestres sécurisés, notamment).

Il importe de renforcer l'effort d'adaptation des logements existants que le projet de loi envisage de soutenir (80 000 logements privés entre 2014 et 2017), cet objectif restant de faible portée au regard du nombre de logements à adapter.
Cela suppose notamment d'inciter les caisses de retraite à généraliser la proposition à leurs ressortissants de diagnostics habitat/mobilité en y intégrant la précarité énergétique, et les banques à faciliter les formules de prêts (notamment microcrédit) pour permettre aux âgés d'adapter leur logement.
Le CESE formule également des propositions pour prendre en compte le vieillissement dans la construction neuve, dans le logement social où progresse le nombre d'âgés, et pour promouvoir les alternatives au logement individuel.

Pour le CESE, vieillir plus longtemps chez soi suppose que la personne puisse bénéficier d'un accompagnement de qualité en termes de santé, de services à domicile, de soutien des aidants.

Pour le CESE, l'expérimentation du parcours de santé des personnes âgées (PAERPA) répond à cette nécessité d'organiser et de coordonner le parcours de soins.
Si, en termes de soutien à domicile, la revalorisation de l'allocation de perte d'autonomie (APA) est une réelle avancée, pour le CESE, il faut aller au delà.
Cet effort reste insuffisant au regard des besoins des personnes âgées et cette situation risque de perdurer en l'absence de réexamen du système de péréquation permettant un rééquilibrage des participations financières de l'Etat et des départements.
En outre, la révision en cours de la grille AGGIR (Autonomie gérontologique groupes iso-ressources), qui permet de déterminer le montant de l'APA, doit tenir compte tenir du projet de la vie de la personne comme c'est le cas pour le GEVA (Guide d'évaluation des besoins de compensation de la personne handicapée).
Rien ne sera possible sans une meilleure attractivité des métiers nécessaires à la personne âgée et le CESE approuve les initiatives présentées dans le rapport annexé (revalorisation des indemnités kilométriques, amélioration de la qualification...).
Dans ce cadre, le CESE s'interroge toutefois sur la "balluchonnage" qui permet un service de remplacement de l'aidant familial.
En effet, s'il soutient la reconnaissance d'un droit au répit, il considère que ce dispositif déroge au droit du travail et doit faire l'objet de négociations préalable avec les partenaires sociaux.
Enfin, pour rendre effectif ce droit au répit, le CESE souhaite l'étendre aux proches aidants non bénéficiaires de l'APA.


Faire du vieillissement un atout social et économique

L'allongement de la durée de la vie représente un potentiel de croissance économique et de création d'emplois insuffisamment exploité et valorisé.

  • L'économie de proximité

    Selon le CREDOC, 350 000 emplois pourraient être créés dans le secteur des âgés.
    Le rapport annexé à la loi incite à juste titre selon le CESE à développer des emplois de service de qualité pour mieux répondre auxbesoins des âgés et améliorer la qualité de l'accompagnement.

  • L'émergence d'une nouvelle filière industrielle

    La population mondiale âgée de plus de 60 ans devrait avoisiner les 2 milliards en 2050.
    Une nouvelle filière industrielle, soutenue par le gouvernement, pourrait avoir pour vocation d'accompagner cette révolution démographique, en donnant aux entreprises les moyens de développer les produits qui s'adapteront au mieux aux besoins des personnes âgées.
    Dans le même temps, pour protéger les personnes âgées de démarches commerciales potentiellement abusives, le CESE préconise la mise en place d'une plateforme d'informations et de recommandations sous l'égide des autorités ministérielles concernées.



Adapter la gouvernance à ces enjeux en respectant les avancées de la loi du 11/02/05 en matière de convergence des politiques de l'autonomie

Le CESE souligne plusieurs avancées du projet de loi même si la représentations des associations et des organisations syndicales de retraités lui semble devoir être améliorée au sein :

  • du Haut Conseil de l'Age se substituant au Comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA) au sein duquel les organisations syndicales de retraités doivent être représentées aux côtés des associations et à part égale avec elles ;
  • du conseil départemental de la citoyenneté et de l'autonomie ; .
  • de la "conférence des financeurs".


Enfin, pour le CESE, ce sont les Conseils de la CNAMTS, de la CNAV, du RSI et de la CCMSA qui doivent entrer au conseil d'administration de la CNSA.

Adapter la société au vieillissement demande donc, pour construire un projet localement pertinent, de bâtir sur le terrain une véritable intelligence collective, en rassemblant tous les partenaires publics et privés, tous les acteurs, bien au-delà de la sphère médicosociale, et les usagers, afin de déceler les écueils et de s'extraire de situations règlementaires qui paraissent bloquées.

Le CESE se félicite que ce projet de loi propose de changer le regard de la société sur le vieillissement.
Il regrette toutefois que ce changement de cap, cet élan, figurent essentiellement dans le rapport annexé mais ne soient pas marqués comme un véritable engagement dans le texte même de la loi.
Il souligne également que la réponse aux besoins des personnes âgées appellera des financements supplémentaires au delà des 645 millions de la seule contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie prévue aujourd'hui.



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