« Grand âge et Réanimation »

Les réanimateurs en appellent à un débat de société sur l'accueil des personnes en grand âge

Publié le 16 mars 2009

  • Communication et information auprès des patients, familles et soignants: des facteurs de progrès.
  • Mardi 10 mars 2009 débutait le cycle des petits déjeuners d’information organisés par la Société de Réanimation de Langue Française (SRLF) afin d’informer régulièrement la presse sur des problématiques au cœur des métiers de la réanimation. Comme premier thème, la Société Savante avait choisi d’aborder le délicat sujet de l’accueil des personnes en grand âge au sein des services de réanimation.

    Etaient présents pour en discuter:

    -Le Professeur Bertrand Guidet, Président de la SRLF

    -Le Professeur Elie Azoulay, auteur d’études sur le vécu des familles, service de réanimation à l’hôpital Saint-Louis

    -Le Dr Maïté Garrouste-Orgeas (Hôpital St Joseph, Paris) qui mène actuellement une étude auprès de patients en maisons de retraite et à domicile ayant pour objectif de connaître leurs souhaits en matière de prise en charge ou non en réanimation.

  • L’augmentation des moyennes d’âge des patients, une problématique réelle pour les professionnels de la réanimation:
  • Les chiffres sont là. En 2050, le nombre des personnes âgées de plus de 75 ans aura triplé sans qu’on ait aujourd’hui une bonne visibilité sur les moyens qui seront attribués aux services de réanimation pour assurer leurs missions.

    Confrontés aux affres du tri des patients, de nombreux réanimateurs mènent des études pour savoir si le grand âge est un critère sélectif important à l’admission en réanimation. Les études doivent également permettre d’établir des critères d’admission adaptés au grand âge, dans le respect des souhaits des patients et de leurs familles ainsi qu’en fonction des contraintes des moyens auxquelles les hôpitaux sont soumis.

  • L’âge, un critère discriminant:
  • Une étude de 2006 démontre clairement que l’âge est un critère discriminant: 36 % des plus de 85 ans étaient refusés en réanimation, contre 23 % des 75-84 ans et 12 % des 18-44 ans.

    Par ailleurs, l’étude Ice-Cub, qui a été menée en 2006 et 2007 sur plus de 50 000 patients de plus de 80 ans dans 15 hôpitaux franciliens et qui a inclus un total de 2646 patients après sélection, a confirmé ces résultats lors de la phase d’analyse, menée en 2008. Sur huit personnes de plus de 80 ans qui vont aux urgences avec une indication potentielle d’admission en réanimation, deux ont été proposées par les urgentistes et une seule a été admise. « La sélection est très importante », a d’ailleurs commenté le Professeur Guidet. En outre, les taux d’admission allaient de 8 à 40 % d’un service à l’autre, révélant une forte disparité géographique.

    C’est aujourd‘hui tout l’enjeu puisqu’il est nécessaire de déterminer des facteurs objectifs qui pourront permettre aux réanimateurs de prendre les bonnes décisions en accord avec les souhaits du patient et de ses proches.

    C’est également l’enjeu des services de réanimation, au cœur de l’organisation de l’hôpital, où les équipes poursuivent inlassablement les soins: les traitements curatifs sont parfois remplacés par des soins palliatifs, sans toutefois que l’acte de soin s’arrête.

  • Réduire le deuil pathologique, l’importance de la communication en amont.
  • Elie Azoulay a mené, avec le concours de la SRLF, des études auprès des familles de patients (FAMIREA), aux termes desquelles certains éléments sont clairement ressortis:

    - A l’arrivée en service de réanimation, moins de 5% des patients sont en mesure de prendre des décisions quant à leur prise en charge médicale, qu’il s’agisse de soins curatifs ou de soins palliatifs.

    - Du côté des familles, 40 à 50% d’entre elles ne comprennent pas les informations qui leur sont communiquées par les équipes soignantes, et la moitié des familles ne souhaite en tout cas pas être impliquée dans la prise de décision. Ce dernier point a un impact sur ce qui est appelé communément le deuil pathologique, plus court et mieux vécu par les proches si la communication a bien été faite et le plus en amont du décès du patient. Elie Azoulay recommande une communication en mode pluriel entre patients, familles et soignants au sens large (infirmiers, aides soignants, praticiens spécialistes, médecin généraliste de référence).

  • Une évolution de la prise en charge des familles:
  • Grâce à tous les travaux réalisés à ce jour, les services de réanimation ont radicalement fait évoluer la prise en charge des familles. Il est par exemple proposé de manière proactive des entretiens aux familles et cela en mode le plus élargi possible, car « si un seul membre de la famille est en relation avec le soignant, le reste de la fratrie déchargera souvent sa culpabilité sur ses épaules ». Il est donc essentiel que le plus grand nombre de membres de la famille assiste à ces entretiens parfois douloureux mais essentiels pour réduire la période de deuil pathologique.

    En résumé les conférences en fin de vie apportent:

    - Plus d’information aux familles

    - Une relation médecin-famille de qualité entre soignants et familles

    - Le respect des choix et des valeurs du patient

    - L’occasion pour les familles de comprendre, de gommer de faux espoirs, d’exprimer leurs émotions

    - D’apporter de la compassion et de déculpabiliser.

  • Et la personne âgée, quel avis a-t-elle ?
  • Le Dr Maïté Garrouste-Orgeas qui officie à l’hôpital Saint-Joseph mène actuellement une étude composée de trois volets:

    - Le premier volet a consisté à comprendre la manière dont les réanimateurs sélectionnent l’accès ou non des personnes en grand âge en réanimation. Sur ce point, on rejoint les constatations de Bertrand Guidet faites au début du petit-déjeuner.

    - Le second volet, très intéressant, indique que le taux de survie à 1an/2ans des patients qui ont pu être sauvés après un passage en réanimation est de 30 à 40 % ce qui est jugé comme assez positif par les professionnels.

    Le volet en cours (60 entretiens sur 120 qui s’achèveront fin juin 2009) a consisté à aller à la rencontre des personnes en grand âge au sein d’établissements ou chez elles et sur la base du volontariat. Parmi les points abordés, la peur ou non de la mort qui approche et les souhaits en matière de prise en charge par la réanimation. Un point qui ressort et qui sera mieux quantifié à la fin de l’étude concerne la relative absence d’échanges sur ce thème entre les patients et leur environnement personnel ou médical. Il semblerait que les directives anticipées – qui ne sont pas en tout état de cause un acte notarié, mais un élément parmi d’autres de la réflexion - n’aient pas beaucoup de succès auprès de cette population, et que l’interprétation ne soit pas aisée.

    Ces résultats permettront d’entreprendre le dernier volet qui consistera à confronter l’avis des patients et l’avis des réanimateurs en vue d’enrichir une réflexion éthique intégrant plus souvent qu’actuellement l’avis des patients.

En guide de conclusion, le Professeur Bertrand Guidet a tenu à insister sur le fait que l’âge reste une donnée relative, et que les bénéfices d’une prise en charge en réanimation sont dominés par les facteurs génétiques et le capital santé de chacun selon son hygiène de vie passée. Il n’en reste pas moins qu’il est maintenant prouvé que la bonne préparation des patients et de leurs familles aux contacts avec la réanimation et une bonne communication tout au long des épreuves de santé favorisent la survie et réduisent les stress post-traumatiques.


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