Une heure par carte de vœux mais maman et moi, on l'a fait !

Le sourire de maman a été ma récompense. Mais je vous explique d'abord : j'ai proposé à maman d'écrire ses cartes de vœux aux personnes qui lui sont les plus chères. Maman a eu un AVC il y a 7 ans, elle est restée hémiplégique côté droit, elle parle à peine, quand elle parle, elle peut dire des mots pour d'autres mots, un « oui » alors qu'elle pense « non »... Elle n'utilise plus sa main droite, alors elle essaye, mais c'est très dur pour elle et elle ne le fait qu'exceptionnellement, de faire des lettres avec sa main gauche. Je regarde ses yeux pour savoir si je comprends ce qu'elle a voulu me dire, je regarde ses yeux pour savoir si une idée que je lui propose lui plait, ce sont ses yeux qui m'envoient son sourire même si le demi-sourire sur son visage est déjà un bon indice. Depuis son AVC, jamais maman n'avait plus envoyé de cartes de vœux alors qu'avant, elle était toujours la première à le faire dans la famille.

Mardi matin, je suis allée à son EHPAD, je lui ai montré les cartes de vœux vierges, et je lui ai dit : « Pourquoi tu n'enverrais pas TES vœux à tes amis, la famille, les plus proches ? » Elle m'a écouté, j'ai vu passer un bref instant une étincelle dans ses yeux, puis aussitôt j'ai vu les yeux s'assombrir, la tête s'abaisser un peu et elle a fait son habituel « bah... mais...comment... peux pas...peux pas...bah... ». C'est sa façon de dire qu'elle trouve l'idée bien, mais qu'elle sait qu'elle ne peut pas, qu'elle ne peut plus faire grand-chose.

J'ai commencé à lui dire les prénoms de gens qu'elle aime bien, et quand j'ai vu le premier grand sourire dans ses yeux quand j'ai dit un prénom particulier, j'ai su que ce serait la première carte de vœux à écrire. Ensuite, je lui ai proposé d'écrire ceci, ou cela sur la carte pour cette personne, même scénario, je lui proposais l'idée d'une phrase, d'une pensée, elle répondait avec ses yeux, ou par un « bah... » ou par un « oh oui... » (mais de temps en temps elle voulait dire non...). Alors rien d'étonnant, la première carte nous a prise une bonne heure à écrire, j'écrivais pour que ce soit lisible, mais tout ce qui était écrit était ce qu'elle voulait dire !

Puis le moment délicat est venu. Je lui dis : « C'est toi qui signe! », et elle me dit bien sûr : « non, non...peux pas, peux pas... bah... » en soupirant très fort. Et je lui dis: « Mais si, tu peux écrire ton prénom avec ta main gauche, fais le, ils seront contents ! ». Je ne lui ai jamais tenu le bic, c'est elle qui a écrit lettre après lettre son prénom. Cinq ou dix minutes pour qu'elle écrive les 6 lettres de son prénom, mais elle a réussi !

Et sa joie dans ses yeux lorsqu'elle a regardé la carte et tout ce qui y avait été écrit dessus, quelle récompense !! C'était beau, elle était heureuse, j'étais heureuse, on riait, et elle m'a regardé cacheter la première lettre de vœux. Alors on est passées à la seconde carte de vœux. Elle a envoyé 14 cartes de vœux au total, cinq ou six ou moins par jour, mardi, mercredi, jeudi. C'est la première fois depuis son AVC qu'elle a envoyé ses vœux en premier.

Maman, comme je suis fière de toi ! Et merci pour ces extraordinaires moments passés avec toi à les écrire !

Sylviane