Interview de Catherine Bergeret-Amselek à propos de l'Ouvrage "L'avancée en âge, un art de vivre"

Catherine Bergeret-Amselek est psychanalyste, membre associée de la Société de psychanalyse Freudienne

Publié le 30 avril 2013

Capgeris

"L'avancée en âge, un art de vivre" Il s'agit d'un ouvrage collectif dont vous avez assurez la coordination. Comment avez-vous sélectionné les contributeurs?

Catherine Bergeret-Amselek

Cet ouvrage est né dernier colloque que j’ai organisé à Paris les 20 et 21 octobre à l’Espace Reuilly, titré : « La cause des aînés 2 ».
En publiant ce livre collectif nous avons décidé de laisser des traces de ces journées. Sont ici réunis 22 contributeurs de disciplines différentes dont les travaux novateurs représentent une avancée significative dans leur domaine.
Ce sont tous des militants de la Bien-traitance, tous regardant une personne dans la trajectoire de sa vie, une personne qui avançant en âge et poursuit une évolution spirituelle au-delà des pertes, des renoncements et des deuils imposés par le temps qui passe.

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Est-ce un "guide pratique" à destination des personnes âgées pour mieux vivre avec l'âge?

Catherine Bergeret-Amselek

C’est certes un guide puisqu’il donne des pistes pour vieillir autrement.. et mieux. J’entends par « autrement », en échappant au statut de « personne âgée » qui fige un sujet dans une catégorie liée à l’âge. Etant entendu que nous ne sommes pas tous vieux au même âge, et tous âgés d’un certain âge. Mais ce livre n’est pas un guide pratique au sens où on l’entend habituellement, c’est un ouvrage de fond lisible par le plus grand nombre car sans langue de bois. Il propose un autre regard sur l’avancée en âge, propose de sortir du « vieillir jeune » pour aller vers l’accord-d’âge, pour être bien avec son âge. Assumer et accepter de vieillir ouvre des voies pour que la sénescence puisse s’écrire : « c’est naissance ».

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Est-il destiné aux personnes âgées ou à ceux qui les côtoient et accompagnent tous les jours?

Catherine Bergeret-Amselek

Ce livre est destiné à des lecteurs de tous les âges, professionnels ou grand public. Les plus de 70 ans certes y trouveront des pistes pour franchir leur sénescence, ils découvriront qu’ils peuvent faire appel à un psychanalyste car la sénescence tout comme l’adolescence, la parentalité naissante ou la mi-vie sont des étapes existentielles majeures susceptibles de déclencher une crise existentielle. Une crise maturative. Ils auront la confirmation que vieillir c’est grandir et que grandir c’est vieillir, comme aimait à le dire Geneviève Laroque, ex-présidente de la FNG.

Mais ce sont les professionnels : psychologues, psychanalystes, soignants, aidants familiaux ou professionnels, gérontologues, médecins étudiants en psychologie, en médecine ou tout autre science humaine qui y trouveront des pistes de réflexion utiles pour leur pratique.

Capgeris

On parle de plus en plus du "vieillir jeune". N'est-ce pas en fait du marketing et une question de repère? En effet on vieillit "encore jeune là ou nos aïeux étaient déjà vieux", mais la dépendance nous rappelle que la vieillesse existe toujours mais arrive plus tard?

Catherine Bergeret-Amselek

La longévité qui nous est promise au 21° siècle est un événement inédit dans l’histoire de l’humanité. La mutation sociétale dans laquelle chacun d’entre nous a à s’investir comme acteur doit faire tomber les tabous qui entourent la vieillesse. Briser le racisme anti-âge s’impose. Vivre plus longtemps entraine de vieillir de plus en plus tard. Aujourd’hui la soixantaine qui au 19° siècle était synonyme de vieillesse est un âge où on est encore en pleine force de l’âge. Vieillir n’est pas une maladie et grâce aux progrès de la médecine et de l’hygiène il y a plein de 80 ans et plus en pleine forme.

Mais vieillir en pleine forme n’est pas vieillir jeune, cela implique des renoncements et des transformations qui permettent justement une ouverture spirituelle qu’il faut des années pour accomplir, c’est là tout l’intérêt de prendre de l’âge. Tant qu’à la dépendance, nous lui consacrons tout un pan de notre livre tant au niveau humain (Et si la dépendance était une chance ? Quel autre statut peut-elle prendre ?) qu’au niveau politique (Pourquoi une personne en situation de handicap de plus de 60 ans ne peut-elle bénéficier de la même prestation de compensation de handicap qu’une personne de moins de 60 ans ?).
Après 60 ans, la dépendance tombe comme un couperet et elle bénéficie d’une prestation appelée : APA recouvrant moins ses besoins d’aide. Ce sont tous ces repères dont nous devons nous méfier car ils véhiculent des discriminations lies à l’âge, dénoncées dans notre ouvrage.

Capgeris

Personne âgée, seniors, 3ème âge... que de termes pour désigner une population bien avancée dans l’âge. Cet ouvrage apporte t’il une vision structurée des phases qui nous font grandir (et vieillir) dans l’âge ?

Catherine Bergeret-Amselek

L’ art de vivre qui se dégage de ce livre implique de refuser de découper une personne en tranche d’âge comme un saucisson. Le privilège de l’âge, c’est d’avoir tous les âges à la fois. Loin du « format-âge », des évaluations, de la normativité, les contributeurs ici réunis font le pari du sujet ; d’un sujet dont l’identité ne cesse d’éclore même si elle vacille lors du deuil développemental des âges de la vie, lors de la survenue de syndromes démentiels ou en fin de vie. Nous n’évoluons pas de manière linéaire mais de métamorphoses en renaissances successives.

« C’est par la crise que l’homme se crée homme, et son histoire transite entre crise et résolution, entre rupture et suture » écrit René Kaës. A chaque entrée dans un nouvel âge de la vie une crise existentielle impose un remaniement identitaire fréquemment douloureux. Des turbulences émotionnelles latentes en temps normal resurgissent offrant en même temps une occasion de grandir.

Capgeris

Votre ouvrage parle de travaux novateurs. Pouvez-vous illustrer ce propos ?

Catherine Bergeret-Amselek

Un autre regard sur les syndromes démentiels se dégage de ce livre qui ouvre des pistes pour des prises en charge pluridisciplinaires pouvant aider les personnes touchées par des troubles cognitifs et leur famille. Un regard sur la clinique de la fin de vie est ici proposé. Il me semble que nous avons montré en quoi la psychanalyse peut être utile non seulement pour accompagner une sénescence turbulente mais pour analyser les résistances à regarder en face la vieillesse et la mort ? C’est une psychanalyse engagée dont il est question ici, celle d’un analyste qui écoute avec son corps tout entier que nous présente ici Alain Amselek dans un chapitre-clé intitulé : « La mort dans l’âme, psychanalyse et spiritualité au service de l’avancée en âge ».Comment la simple présence d’un psychothérapeute ou d’un psychanalyste permet d’éviter une déliaison pulsionnelle, stimule la pulsion de vie te rétablit le sentiment continu d’exister face à une vieillesse plus ou moins tumultueuse qui vient le rompre ?

Une écoute analytique peut aussi aider les aidants professionnels et familiaux, une supervision avec des psychanalystes peut aider les soignants. Des approches novatrices comme l’Humanitude et la socio-esthétique font partie intégrante de la Bien-traitance que nous écrivons avec un trait d’union qui relie nos points de vue complémentaires.

Capgeris

Un dernier mot à nos lecteurs ?

Catherine Bergeret-Amselek

Face à l’insolite de l’avancée en âge, face aux situations singulières que nous rencontrons dans nos pratiques j’espère que ce livre aura permis à chacun d’éviter de tomber dans la routine. Je souhaite que les lecteurs y trouvent l’énergie et la force de se remettre en question et de garder intact leur capacité à s’étonner.

Nous avons plus cherché à vous donner envie de vous questionner qu’à vous apporter des réponses fermées pour qu’à votre tour vous ayez envie d’ouvrir d’autres questionnements et de vous lancer dans des projets innovants.

Stéphane Hessel que j’ai eu la chance de rencontrer chez lui 8 mois avant qu’il ne nous quitte et dont l’entretien est ici publié nous disait que la vie comportait bien des échecs mais que le succès c’était quand on arrivait à « transformer l’échec ou le traumatisme en une survie presque miraculeuse ». C’est une semblable énergie de survie presque miraculeuse, une énergie agonique ( en grec ago signifie à la fois combat et jeu) que nous avons tenté de vous communiquer, un certain art de vivre somme toute….

 

 

  • A propos de Catherine Bergeret-Amselek:

 

Catherine  Bergeret-Amselek est psychanalyste, membre associée de la Société de psychanalyse Freudienne où elle anime un séminaire sur les âges de la vie. Elle est auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels : «  la vie à l’épreuve du temps » publié aux éditions  Desclée de Brouwer( 2009)
Elle a dirigé « La cause des aînés » ouvrage collectif toujours chez DDB en 2010. Infos la cause des aînés 1 et 2 : www.cause-des-aines.fr


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