Près d'un résident d'EHPAD sur deux ne porte pas de lunettes adaptées à ses besoins.

Le réseau Les Opticiens Mobiles® dresse un bilan à mi-parcours de l’expérimentation visant à améliorer la santé visuelle des personnes âgées en perte d’autonomie

Publié le 27 février 2023

La loi du 5 février 2019 visant à améliorer la santé visuelle des personnes âgées en perte d'autonomie prévoyait d'étendre, à titre expérimental, les prérogatives des opticiens en leur permettant de se rendre dans les EHPAD pour prendre en charge la vue des résidents, c'est-à-dire réaliser un examen de la réfraction complet afin de délivrer sans ordonnance médicale une nouvelle paire de lunettes en cas de perte ou de bris des verres correcteurs d'amétropie. Deux régions participent à cette expérimentation. Ainsi, depuis le 1er janvier 2022 et jusqu'au 31 décembre 2024, les ARS (Agences Régionales de Santé) du Centre-Val de Loire et de Normandie peuvent autoriser les opticiens qui le souhaitent à prendre part à ce programme dans les EHPAD de leurs territoires, qu'ils s'agissent d'établissements publics ou privés. Les Opticiens Mobiles® - 1er réseau national d'opticiens spécialisés pour intervenir sur les lieux de vie et de travail des personnes actives et fragiles - s'est fortement impliqué dans cette démarche et a proposé aux EHPAD de ces régions, couverts par un opticien du réseau, d'y participer. Résultat : 13 Opticiens Mobiles sont pleinement mobilisés sur le sujet. À mi-parcours de cette expérimentation, l'heure est venue de dresser un premier bilan.

Parmi les principaux enseignements, on apprend notamment que :

  • 47% des résidents d'EHPAD, dépistés dans le cadre de cette expérimentation, ont révélé un problème de vue et ne portaient pas de lunettes adaptées à leur besoin.

Ce chiffre est une preuve supplémentaire s'il en fallait d'un besoin muet et insatisfait des personnes de Grand Âge. Il est d'autant plus à considérer avec attention qu'au-delà de l'inconfort visuel subit par les résidents, ces gênes et troubles visuels sont la source de nombreux problèmes associés : isolement, risque de chutes, apparition de démence, problème d'alimentation... Ce chiffre confirme la nécessité de développer des protocoles de prévention en santé visuelle obligatoires au sein des établissements médico-sociaux comme mentionné dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale visant à évaluer le coût de l'instauration d'un bilan visuel obligatoire à l'entrée en Ehpad.

  • 31% des résidents d'EHPAD, dépistés dans le cadre de cette expérimentation, ont pu être équipés d'une nouvelle paire de lunettes.

Ce chiffre est là encore la preuve que la mobilité des professionnels de santé est un impératif auprès des personnes de Grand Âge et a toute son utilité du fait qu'elle permet de repérer sur site les situations à risque, favoriser la prévention, réduire la perte de chances et le phénomène de non-recours aux soins des personnes dépendantes. Toutefois, malgré l'importance de cette expérimentation, sa portée reste somme toute limitée. En effet, la demande est forte de la part des résidents, des familles et tuteurs ainsi que des personnels soignants dans ces établissements. Néanmoins, certains freins majeurs demeurent pour permettre, une fois le dépistage et la proposition d'équipement réalisés, une prise en charge globale de chaque patient.

Un problème persistant d'accès à l'ordonnance empêchant la prise en charge des équipements

L'équipement en urgence que peuvent proposer les opticiens dans le cadre de cette expérimentation n'est pas conditionné à l'obtention d'une ordonnance, empêchant ainsi que le résident ne puisse bénéficier d'une prise en charge financière par les régimes obligatoire et complémentaire. Pour lever ce frein économique, les opticiens du réseau Les Opticiens Mobiles effectuent un travail de coordination avec les acteurs du parcours médical de chaque résident : le médecin ophtalmologiste, quand un suivi est possible, ou le médecin référent par la transmission des corrections mesurées afin d'obtenir en retour une prescription et par conséquent une prise en charge financière.

La non-prise en charge des frais de déplacement et de prestation de service des opticiens en mobilité

L'offre Panier A du 100% Santé en optique ne produit pas ses pleins effets face aux enjeux de la dépendance puisqu'il a été mis en place en considérant qu'un patient se déplace en magasin d'optique. Si la promesse du zéro reste-à-charge est tenue sur l'équipement visuel, les dépassements générés par les frais de déplacement et de prestation de service de l'Opticien Mobile sur le lieu de vie ne sont pas couverts à date par le dispositif du 100% Santé. Il s'agit là d'un non-sens quand on sait que le déplacement de ces mêmes patients pour leur santé visuelle (via une logique complexe sollicitant aidants et personnels soignants) générerait pour une majeure partie des frais de transport sanitaires (taxis conventionnés, VSL ou ambulances).

Le non-suivi médical de la vue alors que la téléexpertise entre l'opticien et l'ophtalmologiste pourrait le résoudre

Bien que l'intervention sur site de l'Opticien Mobile permette de répondre aux troubles visuels par la délivrance d'un nouvel équipement correcteur, elle ne permet pas de réinsérer complètement les résidents dans un parcours de soin médical au contact d'un médecin ophtalmologiste alors même que la prévalence des pathologies oculaires augmente nettement avec l'âge (DMLA, glaucome, cataracte...). Il est fort dommage de ne pas optimiser le déplacement de l'opticien dans les établissements médico-sociaux et mettre à profit l'ensemble de ses compétences techniques.

« Des millions de Français en situation de fragilité, vivant notamment en EHPAD, renoncent aux soins optiques chaque année en raison de difficultés tout à la fois géographique (déserts médicaux), physique (dépendance) et financière. Pourtant, bien voir est un enjeu crucial pour ces personnes fragiles, en ce qu'il s'agit d'une contribution directe à un maintien de l'autonomie, une meilleure alimentation, une plus grande inclusion sociale, et plus largement une meilleure qualité de vie. Si cette expérimentation permet d'objectiver la part de résidents mal ou non corrigés en EHPAD et met en exergue à quel point ce public dépendant manque de suivi médical de la vue, on constate qu'elle ne répond pas encore aux impératifs des personnes de Grand Âge. Nous devons, certes généraliser ce dispositif à la France entière, l'ouvrir au domicile, mais également le faire évoluer pour offrir une solution complète d'accès aux soins visuels à tous nos aînés par la pratique de la délégation de tâches en téléexpertise entre opticiens et ophtalmologistes. » explique Matthieu Gerber, fondateur & Président Les Opticiens Mobiles.


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