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Interview de Laurent GIROUX, fondateur de la société DEFIS

Fort de son expérience dans le secteur des services aux personnes âgées et des EHPAD, Mr Giroux nous livre une vision prospective de ce secteur

Publié le 27 mars 2013

Capgeris

Quelles innovations pourrait-on envisager dans le secteur de la formation des intervenants évoluant dans les SAP ?

Laurent GIROUX

Il n'y a pas à proprement parlé d'innovation à envisager. Ce qui importe actuellement est la formation de base tout simplement. Aujourd'hui, des services à domicile sont dans l'obligation de recruter du personnel ayant peu ou pas de formation du fait du manque de personnel. Beaucoup, parmi le grand public ou demandeurs d’emploi,   considèrent encore que tout le monde peut intervenir auprès de personnes âgées ou personnes handicapées, ce qui est totalement faux !

Capgeris

CLIC, Maison Départementale de l'Autonomie , CODERPA, CC(/I)AS, Equipes APA des Conseils Généraux, Associations de SAP (ADMR et autres) et Réseaux Gérontologiques… :
comment les usagers peuvent-ils s'y retrouver aujourd’hui dans ce dédale de sources d’information ?
Quel interlocuteur pour quelles informations ?

Laurent GIROUX

Il est vrai qu'il existe beaucoup de sources d'information, internet est peut être le premier, ce qui n'est pas sans danger. Car l'inconvénient d'internet est que tout le monde peut se dire « expert » et dire n'importe quelle ânerie ! Qui va contester ou corriger ? Là aussi nous l'ignorons...

L'inconvénient en France est que nous créons beaucoup de services ou structures sans supprimer les anciennes. Pourquoi avoir créé des MAIA tout en maintenant les CLIC ? Pourquoi ne pas avoir fusionné ? Les CODERPA qui sont des instances de réflexion (et non d'information) qui existent depuis 1982 auraient du être fusionné aussi avec les CLIC. Car aujourd'hui, qui connait les CODERPA en dehors des professionnels de la gérontologie ? D'ailleurs, depuis 2005 ces instances n'ont pratiquement plus aucun pouvoir. C'est parfois de la simple « réunionite ». Depuis la loi du 11 février 2005, pourquoi ne pas avoir élargit les missions du CLIC vers le handicap comme l’autorisent les circulaires de 2000 et 2001 qui mettent en place les CLIC?

Capgeris

Quelle est votre vision des SAP dans les 20 prochaines années ?

Quelles sont les perspectives d’évolution pour ce secteur ?

Laurent GIROUX

Ma première crainte est que les services à domicile fusionnent entre eux ou soient rachetés par les plus grosses structures. Ainsi, comme pour les “entreprises d'intérim”, nous ne verrons plus qu'un nombre limité de services à domicile.

Autre remarque : l'ANSP (agence nationale de service à la personne) a lancé un nouveau chantier alors qu'elle va prochainement disparaitre : « la charte qualité -services à la personne 2013 ». Or je ne pense pas que cela soit véritablement ce dont a besoin le secteur des services à domicile. Ce dont nous avons besoin est un REFERENTIEL dans un cadre règlementaire homogène et stable. Une charte ou label n'est pas obligatoire et ne veut rien dire si le client ne sait rien sur l’engagement !

Il faut cependant être réaliste. Nous devons améliorer la qualité au sein de tous les services à domicile. Un haut responsable d'une agence me disait, il y a quelques années, que nous n'étions qu'à la préhistoire du service à domicile. Pour cela nous devons offrir des conditions de travail décentes aux intervenants à domicile. Nous ne pouvons pas dire à la fois que les intervenants à domicile font un travail formidable, demander une formation de qualité et ne pas verser un salaire qui ne soit pas à la hauteur de notre discours. Parallèlement il faut des responsables de secteur ou des encadrants qui soient véritablement du secteur social et médico social. Nous avons encore des structures qui embauchent des commerciaux, des anciens agents immobiliers pour devenir des professionnels de la gérontologie et du handicap et donc faire des évaluations des besoins à domicile pour des personnes désorientées ou lourdement handicapées, c'est aberrant !! Comment ces structures peuvent elles être crédibles auprès des partenaires sociaux et médico sociaux (assistantes sociales ou coordinatrices CLIC) ?

Enfin il faut supprimer les deux cadres règlementaires (autorisation et agrément) pour n'en garder qu'un seul (agrément). Il faut sécuriser et harmoniser le cadre juridique et administratif des activités.

Il faut ensuite, comme dit plus haut, arrêter de créer des labels à ne plus en finir. Les personnes fragiles sont déjà perdus par tous les termes utilisés ou les documents : mandataire, prestataire, 2 conventions collectives (bientôt trois), des tva différentes selon l'activité et le client, etc. Faisons le ménage déjà dans les services à domicile, c'est le cas de le dire ! Pourquoi, par exemple, ne pas créer un seul modèle de livret d'accueil, un seul modèle de contrat de prestation ? Pourquoi l'ANSP ne le fait pas ?

Enfin les services à domicile doivent faire (ou non) une évaluation interne, peuvent faire (ou non) une évaluation externe en fonction qu'ils soient autorisés ou agréé ou certifié. Arrêtons cela ! Rendons obligatoire au moins l'évaluation externe, que le service soit ou non certifié. La certification est un audit, pas l'évaluation externe !

Dans sa pratique et son discours il semble que l'ANSP ne favorise que les grosses structures en laissant de côté les « petites ». Il suffit d'ailleurs de voir ceux qui ont été invité pour la mise en place de sa charte. Mais ce discours n'est pas seulement tenu par l'ANSP, certains politiques sont d'accord sur ce point. Selon eux, le fait d'être une grosse structure est synonyme de « qualité ». Certes, la taille permettra de faire des économies sur certaines activités fonctionnelles mais un certain nombre de coûts ne seront pas nécessairement réduits  notamment concernant la surface des locaux (les m2 des locaux augmenteront en même temps que le nombre de salariés), le temps administratif non productif augmentera aussi avec le nombre de salariés (réunions de coordination, réunions d'équipe, réunions de responsables de secteurs, réunions des cadres, réunions des directeurs départementaux ou régionaux, etc). Et on ne parle pas des nouveaux coûts « marketing » pour survivre face aux autres gros concurrents...associatifs notamment. N'oublions pas que lorsque O2, ADHAP ou Age d'Or services atteignent moins de 100 millions de chiffre d'affaire chacun, l'ADMR dépasse le milliard d'euros et l'UNA, le double !

Le défi des structures commerciales qui se lancent dans le secteur social et médico social sera d'avoir des clients mais aussi de les garder. Or, aujourd'hui, trop de structures « chassent » les clients sans chercher à les garder. Cela sera leur perte !

Il est donc important que les politiques et l'ANSP (ou l'agence qui le remplacera) se posent les questions suivantes : La course à la taille est-elle la seule solution ? La satisfaction du client est elle en fonction de la taille de l'entreprise ? Les prix baisseront-ils pour autant ? Les clients s'y retrouveront-ils ? L’individualisation de la prise en charge connaît-elle l’économie d’échelle ? Les intervenants seront-ils plus performants dans les grandes structures ?

Capgeris


Certains Services d’Aide à Domicile - notamment ceux intervenant auprès de personnes âgées - sont concernés par la mise en œuvre d’une évaluation interne et externe de leurs activités et de la qualité des prestations qu’ils délivrent, en vertu de la loi du 2 janvier 2002. Où en est le secteur des SAP aujourd’hui dans cette démarche ?

Laurent GIROUX

Effectivement les services à domicile agréés non certifiés sont tenus de faire une évaluation externe. Aujourd'hui ces services se démarquent largement des autres catégories d'ESSMS. Ils représentent la catégorie qui connait le plus fort déploiement avec 1 331 missions d'évaluation externes réalisées depuis 2010 sur un total de 2043 missions. Les derniers chiffres que nous avons en notre possession à ce jour concernent le 1er semestre 2012 : sur la totalité des évaluations externes, les services à la personne représentent 65 % ! En moyenne une évaluation externe coûte pour un service à domicile 3500 euros. Ce que nous pouvons regretter c'est premièrement que l'ANESM qui habilite les organismes d'évaluation ne se porte pas garant sur les compétences des évaluateurs externes, deuxièmement certaines structures de services à domicile préfèrent la certification en vue d'être dispensé d'évaluation externe, alors que ce n'est pas la même chose...

Capgeris

L’une des priorités de cette dernière décennie dans l’accompagnement des personnes âgées dépendantes a été la médicalisation des structures d’hébergement. On a ainsi assisté à la naissance - par transformation et/ou création - de nombreux EHPAD. Il semble aujourd’hui que la tendance s’inverse et l’on assiste, pour le moins, à un ralentissement.

Pensez-vous que l’offre existante soit en mesure, aujourd’hui et demain, de répondre aux besoins ?

Laurent GIROUX

Vous avez raison sur le fait qu'il y a peut être un ralentissement. Nous devons en profiter d’ailleurs pour nous poser la question non pas si le nombre d'EHPAD est suffisant mais s'il est judicieux de continuer à construire aujourd'hui des EHPAD ?

Prenons l’exemple danois. Selon Jean-Michel CAUDRON, lors des Rencontres Prospectives “Où vivre vieux en 2030 ?” en décembre 2010 à Paris organisé par UNR Santé, l’Etat danois a décidé d’arrêter la construction de maisons de retraite traditionnelles (dans le sens d’institutions publiques) à partir du 1er janvier 1988. Depuis cette date, toute nouvelle maison de retraite publique (souvent des maisons de retraite existantes transformées en établissement moderne) prend la forme d’un hébergement subventionné à but non lucratif, où les résidents sont locataires, comme dans n’importe quel autre logement. Les maisons de retraite modernes ont également la particularité de comporter une séparation des lieux de vie et des locaux de soins ou de services. En avril 2008, 75 082 personnes au Danemark vivaient en EHPA :

  • Pour les plus de 60 ans, il s’agit d’un pourcentage de 5,7% de la population qui vit en EHPA

  • Pour les plus de 75 ans, il s’agit d’un pourcentage de 15% de la population qui vit en EHPA

  • Si l’on exclut les personne vivant en EHPA non dotés de personnel de soins permanent (logements subventionnés pour seniors), il s’agit de 9,7% de la population de 75 ans et plus qui vit en maison de retraite

  • Il existe au total 77 000 places en EHPA au Danemark, dont 34 300 en établissements de soins « modernes », 12 500 en maisons de retraite « ancien modèle », et 30 200 en logements pour seniors

 

Depuis la réforme des EHPA en 1987, 41 000 places en établissements publiques traditionnels ont été supprimées ou transformées en logements de soins modernes

Au total, 58 000 places en logements de soins ou logements pour seniors ont été créées depuis cette date, soit un surplus par rapport au nombre d’anciennes places supprimées

En 2007, une loi sur les logements de soins privés a été adoptée qui contribue à augmenter l’offre d’EHPA au Danemark

Depuis la fin des années 1980 la politique générale au Danemark favorisait le maintien à domicile des personnes âgées

Aujourd’hui, cette tendance s’inverse cependant, si bien que les municipalités incitent désormais leurs citoyens à déménager en établissement de soins pendant qu’ils sont eux-mêmes capables d’en prendre la décision et de trouver l’établissement de leur choix

Les communes espèrent ainsi faire des économies, car les personnes âgées dépendantes qui ont un besoin permanent de soins et de services à domicile, sont extrêmement coûteuses.

Au 1er janvier 2009, une garantie publique est entrée en vigueur au Danemark assurant aux personnes âgées ayant besoin d’une place en maison de retraite qu’elles ne doivent pas attendre plus de 2 mois avant d’en obtenir une.

Le gouvernement danois a par conséquent pris plusieurs mesures afin de favoriser la construction de nouveaux EHPA par les communes, dont la réduction de 14 à 7% de la part directe des communes dans le financement des projets de construction (le reste du financement étant constitué par des crédits fonciers et une petite contribution des résidents)

Capgeris

Dans ces conditions, entre Maintien à Domicile, Résidence avec Services pour Seniors,  Foyer Logement, EHPAD : y a-t-il un – ou des - axes à privilégier selon vous ? Faut-il envisager aujourd’hui d’autres modes d’habitat pour les seniors ?

Laurent GIROUX

À savoir qu'il y a environ 700.000 places (EHPAD et logements foyers compris) et nous avons 15 millions de personnes âgées de plus de 60 ans en France, dont un million de personnes dépendantes. Nous ne devons pas, selon moi, augmenter de façon importante le nombre d'EHPAD. C'est une solution parmi d'autres. Les établissements ne sont pas et ne doivent pas être la seule solution. N'oublions pas que nous sommes de futures personnes âgées dépendantes : ce que nous faisons ce jour, sera NOTRE avenir, NOTRE manière de vivre ! Faisons preuve d'imagination, d'innovation ! Actuellement dans ma commune, dont je suis élu, nous sommes en réflexion sur un projet de béguinage du 21ème siècle. Il y a une véritable attente de la part des administrés et ce projet avance vite et bien !


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