Résultats de la grande enquête : « Isolement et délitements des liens sociaux »

Première enquête sur ce thème initiée par la Société de Saint-Vincent-de-Paul.

Publié le 12 mars 2015


Il est urgent de mettre en place une politique de prévention efficace contre l'isolement et le délitement des liens sociaux. C'est pourquoi la Société de Saint-Vincent-de-Paul a initié la première grande enquête sur ce thème.

Menée par Serge Paugam, Directeur de recherche au CNRS, et Directeur d'études à l'EHESS et son équipe de recherche sur les inégalités sociales (ERIS), elle vient d'achever sa première phase à Strasbourg.

« Grâce à son organisation décentralisée et à l'autonomie de ses 1 000 équipes locales, la Société de Saint-Vincent-de-Paul est à même de répondre efficacement aux besoins spécifiques identifiés sur le terrain », explique Bertrand Ousset, président l'association.
Quatre ans après avoir porté la Grande Cause Nationale contre la solitude en 2011, la SSVP voit que l'isolement continue de gagner du terrain et constitue aujourd'hui un facteur essentiel d'inégalité en France. C'est pourquoi elle a initié cette enquête de grande envergure afin de mieux connaître les mécaniques du processus de l'isolement ainsi que les groupes de personnes et les zones à risques.

L'association sensibilise ses 17 000 bénévoles à la dynamique du délitement des liens sociaux et les forme à déceler les personnes susceptibles de basculer dans l'isolement et de souffrir bientôt de solitude.
La Société de Saint-Vincent-de-Paul diffuse les premiers résultats de cette enquête auprès des autres organismes et des pouvoirs publics pour favoriser la naissance d'une politique commune de prévention efficace contre ce fléau moderne qu'est la solitude.
Cette enquête de grande envergure se poursuivra jusqu'en 2016 à Lille, Bordeaux et Caen-Sud en zone rurale.

Résultats de l'enquête (1)

Les chômeurs sont de loin ceux qui souffrent le plus de l'isolement et les ouvriers ont près de deux fois plus de risques de se sentir seuls que les cadres.

  • À Strasbourg, 32% des retraités et 6,7% des chômeurs vivent seuls. Mais les personnes privées d'emploi se sentent bien plus isolées (45,2%) et déprimées (35,5%) que les retraités (12,1 et 10,1%).
  • Le niveau d'étude est l'un des facteurs les plus discriminants : 23% des personnes dépourvues de diplôme se sentent seules, contre 13% de celles qui ont un bagage dans le supérieur.
  • On retrouve le même type d'écart entre les ouvriers (20%) et les cadres (12%).
  • Les quartiers riches semblent relativement à l'abri du sentiment de solitude (8,6% des habitants) par rapport aux quartiers pauvres (21%), de même que les zones urbaines abritant des classes moyennes (7,9%).

(1) Enquête menée à l'initiative de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, par Serge Paugam, Directeur de recherche au CNRS et Directeur d'études à l'EHESS, avec son équipe (ERIS), en partenariat avec La Croix, la Fondation pour le lien social, les petits frères des Pauvres et la Fondation Caritas.

Pour plus d'informations sur

  • La Société de Saint-Vincent-de-Paul (SSVP) : http://www.ssvp.fr/
  • L'Equipe de recherche sur les inégalités sociales (ERIS) : http://www.cmh.eris.ens.fr/

Le rapport final de l'enquête est téléchargeable sur le site de la SSVP, en

  • http://www.ssvp.fr/dossier-actualites/resultats-de-la-grande-enquete-ab-isolement-et-delitements-des-liens-sociaux-bb


Principaux résultats de l'enquête (Strasbourg) : focus


Focus sur les plus de 60 ans

Extraits de l'enquête
In Synthèse des résultats de l'enquête de Strasbourg

Par Serge Paugam, avec la collaboration de Jean-Marie Firdion, Camila Giorgetti et Sébastien Dupont. Et avec le concours, pour la coordination de l’enquête de terrain, du laboratoire C&S - Cités et Sociétés.

  • La solitude, souvent dépeinte comme la condition de l’individu contemporain, est avant tout la conséquence de la fragilité des liens sociaux et, de façon plus générale, des inégalités de l’intégration sociale.
  • La surface d’intégration sociale varie fortement selon l’âge : elle diminue à partir de 60 ans et au-delà de 70 ans, elle est inférieure de plus de la moitié par rapport à celle de l'ensemble de l'intégration (voir graphique ci-dessus).
  • Dans la tranche d’âge des 60 à moins de 70 ans, 42,1 % sont dans le type d’intégration incertaine, contre 30,4 % pour l’ensemble de l’échantillon, et même 12,3 % sont le type d’intégration marginale, contre 7,6 % dans l’ensemble de l’échantillon.
  • La dégradation s’accentue encore dans la tranche d’âge suivante. Les 70 ans et plus sont fortement aussi bien dans l’intégration marginale (17,6 %), dans l’intégration très précaire (25,5 %) et dans l’intégration incertaine (37,3 %).


Précisions sur les indicateurs d'intégration sociale

« Nous avons pu construire un indicateur global d’intégration sociale en calculant pour chaque individu la somme des liens dont il est pourvu. Cette somme peut aller de 0 à 4 si nous accordons la même valeur, c’est-à-dire 1, à chacun des quatre types de liens. On peut considérer que les individus qui ne sont pourvus d’aucun des quatre types de lien sont dans une situation d’intégration marginale, à la limite de la survie. Ceux qui ne sont pourvus que d’un seul type de lien peuvent être considérés dans une situation d’intégration très précaire car il suffit que ce dernier lien cède pour qu’ils se retrouvent à leur tour dans la marginalité. Ceux qui en sont pourvus de deux peuvent être considérés dans une situation d’intégration fragile ou incertaine. Ceux qui en sont pourvus de trois peuvent être estimés à l’abri et donc dans une situation d’intégration assurée. Enfin, on considèrera que ceux qui sont pourvus des quatre types de lien ont atteint le point maximal de l’intégration sociale. [...] »



La problématique de l'isolement et du délitement des liens sociaux


In Synthèse des résultats de l'enquête de Strasbourg
Par Serge Paugam, avec la collaboration de Jean-Marie Firdion, Camila Giorgetti et Sébastien Dupont. Et avec le concours, pour la coordination de l’enquête de terrain, du laboratoire C&S - Cités et Sociétés.

« Pour étudier l’isolement, il faut partir d’une analyse des différents types de liens sociaux. Quatre grands types peuvent être distingués : le lien de filiation, le lien de participation élective, le lien de participation organique et le lien de citoyenneté (tableau ci-dessus).

Ces quatre types de liens sont complémentaires et entrecroisés. Ils constituent le tissu social qui enveloppe l’individu. Lorsque ce dernier décline son identité, il peut faire référence aussi bien à sa nationalité (lien de citoyenneté), à sa profession (lien de participation organique), à ses groupes d’appartenance (lien de participation élective), à ses origines familiales (lien de filiation). Dans chaque société, ces quatre types de liens constituent la trame sociale qui préexiste aux individus et à partir de laquelle ils sont appelés à tisser leurs appartenances au corps social par le processus de socialisation.
La fragilité des liens sociaux tient essentiellement dans le risque qu’ils se rompent. Étudier le lien social implique donc d’analyser non seulement la multiplicité et l’intensité des liens sociaux, mais aussi leurs fragilités, au sens de leurs éventuelles ruptures. La fragilité des liens sociaux renvoie aux deux sources du lien social, la protection et la reconnaissance. Or, la protection et la reconnaissance sont aujourd’hui fragilisées. Le système de protection généralisée mis en place au cours du XXe siècle apparaît en recul et des franges nombreuses de la population sont de plus en plus précaires ou menacées de le devenir. La reconnaissance qui découlait de  l’attachement stable à des groupes sociaux restreints – et des contraintes formelles de participation qui en découlaient – passe aujourd’hui de plus en plus par une plus grande autonomie, voire émancipation, de l’individu par rapport à ses attaches traditionnelles, ce qui lui confère une marge plus grande d’interprétation des normes collectives, mais fragilise en même temps son identité tant celle-ci est soumise au regard d’autrui et par conséquent aux menaces de déni ou de mépris. L’individu précarisé est en quelque sorte condamné, au moins de façon temporaire, à l’expérience de la souffrance sociale. L’insécurité sociale et la sensibilité accrue aux formes de mépris traversent la société tout entière. Ils entretiennent le sentiment que le lien social se défait. L’approche que nous défendons consiste à rechercher la force de l’intégration dans l’entrecroisement des quatre types de liens que nous venons de présenter, lesquels renvoient, on l’a vu, à des systèmes normatifs différents que les individus doivent s’efforcer de respecter, même si, dans certaines circonstances historiques, les conditions ne sont pas entièrement réunies pour qu’ils y parviennent entièrement et aisément. Tous les individus n’héritent pas des mêmes avantages du lien de filiation et ne parviennent pas à entretenir ce lien tout au long du cycle de vie. Tous les individus n’ont pas les mêmes atouts pour développer des liens électifs réguliers et diversifiés. La norme de l’emploi salarié stable n’est pas non plus accessible à tous et tous les individus ne sont pas toujours traités de façon parfaitement égale par les institutions qui entretiennent le lien de citoyenneté. Autrement dit, en partant de ces quatre types de liens sociaux, il est possible de faire apparaître les inégalités d’intégration auxquelles ils renvoient de façon presque inévitable (voir encadré : mesurer les liens sociaux).

L’enquête menée à Strasbourg et dans sa périphérie a été bâtie autour de ces quatre types de liens sociaux. Il s’agissait de poser des questions précises permettant d’évaluer la force, la faiblesse et le risque de rupture de chacun d’entre eux pour chaque personne interrogée. Cette enquête a permis également d’aborder des questions relatives au bien-être psychologique de chaque personne, et ainsi d’évaluer les formes de détresse que peut provoquer l’isolement relationnel. [...] »



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