Interview de Mr Gilles LAGARDE

Directeur ARS Haute Normandie

Publié le 20 juillet 2010

La mise en place des Agences Régionales de Santé (ARS) s'inscrit dans le cadre de la réforme instituée par la loi Hôpital Patients Santé Territoires du 21 juillet 2009. Elle est effective depuis le 1er avril 2010 :

Capgeris

Comment s'opère le passage du corps préfectoral et politique, où vous avez évolué durant de nombreuses années, vers un poste hautement sensible de Directeur Général d'une ARS, car touchant à l'univers de la santé ?

Gilles LAGARDE

Une précision tout d'abord : une carrière dans le corps préfectoral n'est pas une carrière politique, même si l'exercice des fonctions préfectorales amène à travailler étroitement avec les élus, mais également avec de nombreux autres partenaires et interlocuteurs : responsables socio-professionnels et syndicaux, chefs d'entreprises et représentants du monde économique, responsables associatifs, et aussi représentants du monde de la santé.

Après près de 20 années passées dans la fonction publique de l'Etat, et pour l'essentiel dans le corps préfectoral et une expérience à la Commission européenne, le passage vers un poste de directeur général d'ARS a constitué pour moi une évolution logique : pour quelqu'un dont la carrière est fortement marquée par le service public, la création des ARS représentait en effet une opportunité unique de participer à l'un des grands chantiers de modernisation de l'action publique en France, dans un cadre institutionnel rénové (création d'un établissement public), avec de forts enjeux en termes de management, et dans un univers touchant à l'une des principales préoccupations des Français, la santé, domaine dans lequel les défis à relever sont très importants. En outre, les membres du corps préfectoral sont plutôt considérés comme des spécialistes des questions territoriales et des sujets liés à l'aménagement du territoire. Or, la santé est également un sujet d'aménagement du territoire, notamment lorsque l'on parle de démographie médicale ou de la place d'un hôpital dans son territoire.

Capgeris

Quels sont les moyens mis à votre disposition pour créer l'ARS de Haute-Normandie. Votre équipe est-elle d'ores et déjà constituée ?

Gilles LAGARDE

Dès mon arrivée comme responsable préfigurateur en octobre dernier, je me suis appuyé sur une large concertation reposant sur trois niveaux : une équipe projet constituée d'une quinzaine de membres issus des différentes structures devant constituer l'ARS et chacun en charge d'un « portefeuille » particulier, un « groupe miroir », plus nombreux (25 membres environ), composé d'agents de tous grades représentants les différents services, et enfin une instance « politique » de validation des propositions de la préfiguration composée des directeurs des structures appelées à fusionner (le collège des directeurs). Bien évidemment, les instances représentatives des personnels de l'Etat et de l'Assurance maladie ont été associées à la concertation, avant même la phase de consultation officielle.

Le projet d'organisation des services a été présenté fin décembre et l'organigramme définitif finalisé courant mars, de manière à être prêts au 1er avril, date de création officielle des ARS.

L'équipe (240 agents environ) est aujourd'hui quasiment au complet. Quelques agents de l'Assurance maladie sont encore actuellement en cours de recrutement.

Capgeris

Les ARS regroupent et remplacent plusieurs entités jusque-là existantes. Comment sont-elles organisées ? Qu'en est-il de leur déclinaison territoriale ?

Gilles LAGARDE

Comme vous le savez, l'ARS résulte, dans chaque région, de la fusion de l'ARH, de la DRASS, des DDASS, de l'URCAM, du GRSP et de la MRS. Les agents issus des services hospitalisation de la CRAM, de la DRSM, du RSI et de la MSA ont également rejoint les ARS. Mais tout l'enjeu de cette fusion était bien de ne pas se contenter d'agglomérer des services existants, mais au contraire de promouvoir une organisation totalement transversale entre les secteurs ambulatoire, hospitalier et médico-social, illustrant ainsi la volonté de décloisonner le système de santé mise en œuvre par la loi HPST.

Par ailleurs, des chefs de projets transversaux ont été désignés, issus des différents services de l'Agence, afin de coordonner, avec l'aide d'équipes projets, le suivi des grands dossiers régionaux qui nécessitent une approche globale : accès aux soins, santé mentale et handicap psychique, personnes âgées et Alzheimer, éducation thérapeutique et maladies chroniques, cancer, urgences, addictions, soins aux personnes détenues.

Si la délégation territoriale de l'Eure a été largement configurée autour de l'ex DDASS pour répondre aux besoins d'expertise locale et de proximité vis-à-vis du préfet sur les questions de sécurité sanitaire, du président du conseil général sur le médico-social et à l'égard des établissements et partenaires du département, le suivi du département de Seine-Maritime a en revanche été confié au siège régional. Un délégué territorial a été nommé, mais sur des fonctions de chargé de mission confiées par le directeur général et comme chef de projet référent pour l'ensemble de la région dans le domaine de la santé mentale et du handicap psychique.

Capgeris

Concrètement, en combien de temps pensez-vous opérer les regroupements des services des précédentes organisations vers la structure de convergence que représente votre ARS.

Gilles LAGARDE

L'Agence est opérationnelle depuis le 1er avril et donc les services fusionnés depuis cette date. Comme je l'indiquais, les recrutements sont tous pratiquement achevés. Le plus important aujourd'hui est de parvenir à créer une culture commune entre les agents issus de l'Etat et ceux issus de l'Assurance maladie, culture fondée sur les métiers et les expériences de chacun et surtout sur des objectifs partagés : assurer à chacun dans la région un meilleur niveau de santé, garantir un meilleur accès à des soins de qualité et une meilleure efficience du système de santé. Je crois que ce qui nous unit tous, au-delà des différences de statuts, ce sont bien ces objectifs communs et le goût du service public que nous partageons.

Capgeris

Quelles sont les priorités que vous vous êtes fixées au sein de votre ARS pour 2010 ?

Gilles LAGARDE

Deux priorités nous apparaissent d'ores-et-déjà essentielles, au regard du contexte régional : un meilleur accès aux soins, alors que notre région est l'une des dernières de France en termes de densité des professions de santé, et une meilleure prise en compte des problèmes de santé mentale.

Le projet régional de santé, dont nous avons lancé les travaux d'élaboration et qui devrait être achevé pour septembre 2011, constituera le programme de travail et le fil conducteur de l'action de l'Agence dans la région. D'ores et déjà, un certain nombre d'axes de travail ont été fixés par le ministère de la santé, mais il faudra également y intégrer nos actions locales.

Capgeris

Les ARS constituent la clé de voûte de la nouvelle organisation de la santé dans les territoires. Elles doivent notamment permettre le décloisonnement du système de santé avec, en particulier, le rapprochement des secteurs sanitaire et médico-social en matière de gouvernance. Pouvez-vous nous préciser votre approche sur ce point pour ce qui concerne votre région ?

Gilles LAGARDE

Le décloisonnement des approches est en effet essentiel si l'on veut améliorer l'efficience de notre système de santé et favoriser une meilleure fluidité des parcours des patients. Je dirais même qu'il est indispensable sur le plan « culturel », afin de mixer les cultures professionnelles des différents milieux pour permettre des enrichissements mutuels. Un exemple : il me semble tout à fait impossible de cloisonner le sanitaire et le médico-social, notamment dans le domaine de la santé mentale ; la frontière entre les deux est quasi inexistante.

Ce décloisonnement, nous le retrouvons à la fois dans l'organigramme de l'ARS mais également dans le travail par équipes projets, animées par des référents régionaux, sur les sujets nécessitant une approche transversale et globale

Capgeris

En quoi cette modification en matière de pilotage du système de santé sera-t-elle favorable pour les usagers ?

Gilles LAGARDE

Le pilotage du système de santé en région a été unifié par la création des ARS. Désormais, nos partenaires n'ont plus qu'un seul interlocuteur, qu'il s'agisse de la médecine de ville, de l'hôpital, du médico-social, de la veille et de la sécurité sanitaire ou de la prévention. Le système y gagne en lisibilité, en cohérence et donc en efficacité. Parce qu'en décloisonnant le système de santé et en régionalisant son action, ce nouveau mode de pilotage permettra de mettre en œuvre des politiques de santé mieux adaptées aux spécificités de la région et de mieux répondre aux besoins de la population.

Les ARS s'appuieront également, dans la mise en œuvre de leur action, sur des instances de démocratie sanitaire (conseil de surveillance, conférence régionale de santé et de l'autonomie, conférences de territoires, commissions spécialisées), qui seront garantes du bon ancrage territorial des politiques menées dans la région et qui permettront aux représentants de l'Etat et de l'Assurance maladie, aux élus et aux professionnels de santé de participer à cette nouvelle gouvernance de la santé en région.

Capgeris

En ce qui concerne les personnes âgées, quel bilan faites-vous de la dotation actuelle en structures d'accueil sur le territoire de votre ARS ?

Gilles LAGARDE

Le taux d'équipement de la région en lits médicalisés et en SSIAD se situe à peu près au niveau de la moyenne française.

Au regard de sa population de 75 ans et plus, la région bénéficie depuis plusieurs années d'une enveloppe médico-sociale satisfaisante. Pour autant, cette situation plutôt favorable est à nuancer si l'on prend en compte l'ensemble de l'offre de soins disponible sur le territoire (structures médico-sociales, auxquelles s'ajoutent les Unités de Soins de Longue Durée dans le sanitaire, et les actes infirmiers de soin dans le libéral -problématique de démographie médicale et paramédicale particulièrement prégnante dans la région).

Enfin, on observe des disparités d'équipement au sein de la région (par exemple le département de l'Eure est beaucoup mieux pourvu en places d'EHPAD et d'accueil de jour que la Seine-Maritime, alors qu'à l'inverse cette dernière dispose de davantage de places d'hébergement temporaire). Cela nous conduit à fixer des objectifs de rééquilibrage territorial pour les années à venir pour garantir une meilleure égalité d'accès sur l'ensemble du territoire régional.

Capgeris

Avec ce changement d'organisation, quelles seront les conséquences en matière de fonctionnement et d'autorisation des établissements de type EHPAD ? Quelle dynamique prévoyez-vous en terme de création de nouvelles structures ? Quel est le profil type des structures d'accueil pour personnes âgées que vous allez privilégier à l'avenir (EHPAD, Accueil de Jour, Accueil de Nuit...).

Gilles LAGARDE

Les perspectives de création de places nouvelles dans la région sont importantes. Le Programme Interdépartemental des handicaps et de la perte d'autonomie prévoit d'ici à 2013 la création de plus de 2 600 places en direction des personnes âgées dépendantes (739 places d'EHPAD ; 837 places de SSIAD ; 182 places d'Accueil de Jour ;147 places d'Hébergement Temporaire ; il faut ajouter à cet ensemble les unités d'hébergement renforcé (UHR), les pôles d'activité et de soins adaptés (PASA), les équipes spécialisées Alzheimer en SSIAD).

Capgeris

Pouvez-vous nous donner quelques indications sur la nouvelle procédure d'appel à projets, en cours d'expérimentation dans certaines régions, et qui devrait être déployée d'ici la fin de l'année 2010 ?

Gilles LAGARDE

Les projets déposés par les promoteurs devront répondre à un cahier des charges précis préalablement publié par l'ARS. Cette procédure permet ainsi de mieux répondre à des besoins diagnostiqués sur les territoires. Elle améliore également la transparence de la procédure d'autorisation des projets, ceux-ci étant appréciés par le comité de sélection des appels à projet au regard du cahier des charges et des critères objectivés qu'il a prédéfinis.

Capgeris

Qu'en est-il de l'accueil dédié aux personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer ou d'un trouble apparenté ?

Gilles LAGARDE

Parmi les très nombreuses mesures du plan Alzheimer 2008-2013, de nouvelles structures doivent être mises en place : les pôles d'activité et de soins adaptés (PASA) et les unités d'hébergement renforcé (UHR).

  • 43 PASA doivent être mis en place en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes en Haute-Normandie : ils offriront des activités en journée à 12 à 14 résidents de l'établissement souffrant de troubles modérés du comportement.
  • 9 UHR doivent être mis en place en EHPAD et en unité de soins longue durée en Haute-Normandie : elles accueilleront en hébergement complet 12 à 14 personnes souffrant de troubles très sévères du comportement.
  • 12 équipes spécialisées Alzheimer (de 10 places chacune) seront également créées en SSIAD et devraient permettre de couvrir l'ensemble du territoire.

Ces structures qui seront créées dans la région d'ici à 2012, s'ajouteront aux dispositifs déjà en place (Cantou, accueil de jour, hébergement temporaire)

Capgeris

En résumé, quels sont les atouts de votre ARS ?

Gilles LAGARDE

L'unification du pilotage du système de santé en région en s'appuyant sur les compétences des agents de l'Etat et de l'Assurance maladie rassemblés au sein de l'ARS.

J'ajouterai que la taille relativement modeste de l'ARS de Haute-Normandie (moins de 240 personnes) et la dimension de la région (seulement deux départements) doivent nous permettre de rester une administration de terrain proche des acteurs régionaux de la santé. L'ARS doit être un partenaire, fédérateur et facilitateur.

Capgeris

Pouvez-vous en conclusion nous indiquer ce qui vous a conduit à accepter ce poste de Directeur Général de l'ARS de la Haute Normandie ?

Gilles LAGARDE

Je reprendrai les motivations exprimées dans la réponse à votre première question : participer à l'un des grands chantiers de modernisation de l'action publique, dans un domaine où les enjeux sont majeurs. Et une motivation supplémentaire : continuer de servir dans une région que je connais depuis maintenant plus de deux ans et à laquelle je suis attaché, puisqu'avant d'être nommé directeur général de l'ARS de Haute-Normandie, j'avais été, pendant près de deux ans, sous-préfet du Havre.


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