Enjeux du vieillissement : Interview de Monsieur Denis JACQUAT

Député de la Moselle - Président du Groupe d’Etudes « Enjeux du vieillissement » - Président des Rencontres parlementaires sur la Longévité

Publié le 19 juin 2013

Vous présidez le Groupe d’Etudes « Enjeux du Vieillissement » à l’Assemblée Nationale

Capgeris

Pouvez-vous nous présenter le rôle et les missions de cette instance ?

Denis JACQUAT

Le Groupe d’Etudes « Enjeux du Vieillissement » a été entériné par le Bureau de l’Assemblée Nationale.

Il a en fait pris le relais de plusieurs autres groupes mis en place sous les précédentes législatures et ce, dès la présidence de Jean-Louis Debré, notamment le Groupe d’études sur la Longévité (XIIe et XIIIe législatures) et le Groupe d’Etudes sur la Dépendance des Personnes Âgées et la Maladie d’Alzheimer (XIIIe législature).

Le titre actuel « Enjeux du Vieillissement » a été proposé par le Président de l’Assemblée Nationale.

Ce Groupe d’Etudes est constitué de 82 personnes, ce qui représente un nombre important de députés.

C’est par ailleurs l’un des plus actifs : il se réunit tous les mois.

Un conférencier est invité à venir parler d’un thème choisi préalablement par les membres du Groupe d’Etudes.

Sont ainsi récemment intervenus :

  • Le Professeur Didier SICARD, pour la présentation de son rapport sur la fin de vie.

  • Le Professeur Jean-François DARTIGUES, sur le sujet « Longévité et Prévention »

  • Monsieur Serge VOLKOFF, sur le thème « Vieillir au travail… mais quel travail ? ».

  • ou encore Madame Michèle DELAUNAY, Ministre déléguée, chargée des Personnes Âgées et de l’Autonomie, afin de présenter la politique menée par son ministère.

  • Et enfin, Madame Yannick MOREAU, pour son rapport sur les retraites.

Des personnes de premier plan sont ainsi conviées pour s’exprimer dans leurs domaines de compétences respectifs.

Le Groupe d’Etudes « Enjeux du Vieillissement » constitue dès lors un laboratoire d’idées pour l’Assemblée Nationale. La concrétisation des réflexions menées se fait au fur et à mesure et les idées sont intégrées dans les textes et notamment dans le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) ou les projets de loi relatifs aux retraites.

Capgeris

Quels sont les enjeux du vieillissement à l’heure actuelle ?

Denis JACQUAT

Depuis 19 ans, il existe des Rencontres parlementaires sur la Longévité, lesquelles ont été instituées à l’initiative de Mme le Professeur Françoise FORETTE – Directrice de la Fondation Nationale de Gérontologie (FNG) et de International Longevity Center France (ILC- France) - et de moi-même.

Ces rencontres ont lieu une fois par an.

En cours de route toutefois, les parlementaires ont estimé que ces rencontres étaient insuffisantes, ce qui a conduit à la mise en place d’un Groupe d’Etudes sur la Longévité. Le thème de la Longévité est donc abordé par l’Assemblée Nationale, selon deux entrées, le Groupe d’Etudes et les Rencontres sur la Longévité.

Il convient aujourd’hui est de procéder à une analyse des enjeux du vieillissement afin de ne pas être surpris par les évolutions, qu’elles soient sanitaires ou sociales, et de mettre en place une prise en charge globale.

Les 19èmes Rencontres parlementaires sur la Longévité se sont déroulées tout récemment, le 22 mai dernier

Capgeris

Quels ont été les temps forts de cette journée ?

Denis JACQUAT

Les 19èmes Rencontres parlementaires sur la Longévité se sont déroulées le 22 mai 2013, à la Maison de la Chimie à Paris, sous la présidence de Claude JEANNEROT – Sénateur du Doubs, VP de la Commission des Affaires sociales et moi-même, en présence de Paulette GUINCHARD, Présidente de la FNG et anciennement Vice-Présidente du Groupe d’Etudes Longévité sous la XIIe législature.

Ces rencontres ont été l’occasion de nous interroger sur la question de savoir « Comment composer avec l’allongement de la vie ? »

Les thèmes abordés durant ces rencontres ont été les suivants :

De la retraite à la vieillesse : les seniors se bougent, et alors ?

  • Quelle offre de loisirs pour les seniors ?
  • Comment dynamiser l’activité des seniors ?
  • Quelle réglementation adaptée du travail ?
  • Quelle adaptation des infrastructures urbaines ?
  • L’avancée de l’âge : un levier de croissance ?

Quelle épargne pour quelle retraite ?

  • Quels dispositifs performants pour l’épargne retraite ?
  • Quels produits d’épargne pour accompagner sa retraite ?
  • Quelles solutions pour répondre aux incidences économiques du grand âge ?

Au-delà des grands plans, quelles solutions concrètes pour la dépendance ?

  • Quelles solutions de financement de la dépendance ?
  • Quelles mesures pour développer et favoriser l’aide aux aidants ?
  • Quel impact des services à la personne dans l’accompagnement des personnes dépendantes ?
  • Domotique : quelles solutions pour la sécurité et le bien-être de tous ?

300 personnes étaient présentes lors de ces Rencontres durant lesquelles le Professeur Françoise FORETTE a, par exemple, rappelé la nécessaire adaptation des infrastructures.

A cet égard Jean-Pierre AQUINO, Luc BROUSSY et Martine PINVILLE, sont venus présenter les grandes lignes de leurs rapports respectifs, récemment remis au premier Ministre, dans le cadre de la préparation de la future loi Autonomie :

  • « Anticiper pour une autonomie préservée : un enjeu de société » du docteur Jean-Pierre AQUINO.
  • « L’adaptation de la société au vieillissement de sa population : FRANCE ANNEE ZERO ! », de Luc BROUSSY. -
  • « Relever le défi politique de l’avancée en âge – Perspectives internationales », de Martine PINVILLE.

Est également intervenu le Professeur Etienne-Emile BEAULIEU, Président de l’Institut Baulieu.

A l’heure de la réforme de la dépendance et dans l’attente de la loi d’adaptation de la société au vieillissement annoncée

Capgeris

Quelles pistes se dégagent, selon vous, pour la prise en charge de la perte d’autonomie ?
Le financement étant assurément l’une des problématiques majeures de cette réforme, comment cette problématique doit-elle être abordée ?

Denis JACQUAT

Je préfère personnellement parler de perte d’autonomie que de dépendance, car elle concerne à la fois les personnes âgées et les personnes handicapées.

Il importe d’insister sur le fait qu’il convient aujourd’hui de prendre de vraies mesures et de ne pas se contenter de « mesurettes ».

Tout le monde semble d’accord sur ce point et depuis un certain temps déjà : Roselyne BACHELOT, lorsqu’elle était Ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale et Marie-Anne MONTCHAMP, alors secrétaire d’Etat auprès de la ministre, en étaient déjà convaincues. Le seul problème demeure le financement.

La filière de la cotisation unique est tarie.

Plusieurs pistes ont été envisagées, comme le relèvement de la CSG pour les retraités imposables, des recettes pérennes qui permettraient d’abonder la CNSA.

Mais il faut également envisager d’autres ressources comme les comptes épargne-dépendance ou un équivalent.

Les députés ont un objectif commun, celui de tenir compte de ceux qui ne peuvent pas payer. Il importe dès lors de déterminer un socle de base.

Quoi que l’on envisage, on ne pourra échapper à une cotisation.

Le texte de loi est annoncé pour fin 2013, avec probablement une mise en place et une montée en charge au cours des années suivantes.

Mais plus on attend, moins les mesures seront efficaces.

Capgeris

Quels devraient-être les axes prioritaires pour répondre à ce grand défi ?

Denis JACQUAT

La perte d’autonomie doit impérativement être prise en compte de manière globale.

Il convient dès lors d’envisager par exemple tous les niveaux de dépendance tels que définis par les différents GIR et ne pas se contenter dans un premier temps des GIR 1 et 2 pour aborder ensuite les GIR 3 et 4.

Car tel est bien le risque aujourd’hui.

Or tout le monde a besoin d’aide et ce, quel que soit son niveau de dépendance. Il convient de tenir compte aussi du niveau de ressources. Un GIR 6 peut requérir une aide pour l’adaptation de son logement. Dans le contexte économique actuel

Capgeris

Comment répondre aux contraintes du vieillissement de la population et de la perte d’autonomie croissante en découlant, sans obérer les perspectives d’avenir des jeunes générations ?

Denis JACQUAT

Il est certain que si l’on tarde à mettre en place des mesures pérennes pour la prise en charge de la perte d’autonomie, les générations suivantes devront payer la différence.
Il faut donc trouver des ressources.
Le reste à charge est aujourd’hui trop important et le sera de plus en plus, en raison à la fois de la baisse du niveau des retraite et du coût croissant de la perte d’autonomie.

C’est pourquoi, la seule solution semble bien être d’envisager une nouvelle cotisation, assortie d’une véritable campagne d’information des personnes.

Capgeris

Pensez-vous que le système de solidarité qui constitue le fondement de notre fonctionnement sociétal soit menacé ?

Denis JACQUAT

Il convient de distinguer ici deux éléments :

  • La solidarité familiale, qui risque effectivement d’être mise à mal en raison de l’évolution de la société et des modes de vie.
  • En ce qui concerne en revanche la solidarité financière, celle-ci demeure incontournable de par sa nature réglementaire, l’obligation alimentaire restant due. Or, on note une réticence des personnes concernées qui ont également souvent à charge leurs propres enfants.
    Le cadre sociétal a complètement changé et les 50-60 ans constituent aujourd’hui le véritable pivot de notre société, ce qui n’est pas sans créer des tensions : cette génération ayant elle-même travaillé, on constate l’apparition de rancœurs.

J’insisterai parallèlement sur cette discrimination que l’on voit apparaître à l’encontre des « vieux ». Or il importe de rappeler que cette génération a commencé à travailler très jeune, dès l’âge de 13 ans pour certains, que nombre d’entre eux ont fait des efforts de professionnalisation et de formation, qu’ils ont consenti des sacrifices (peu de vacances…).

Ce regard porté sur les anciens par les plus jeunes est accentué par le contexte actuel. On le retrouve également à propos de l’emploi et l’on entend dire qu’il y aurait moins de chômage si les « vieux » ne travaillaient pas.

Il est impératif d’éviter cet effet sociétal de « guerre entre générations ». Le système de répartition de nos retraites est bon, bien que menacé par l’augmentation de l’espérance de vie à la retraite (20 ans à ce jour) et du déséquilibre entre les cotisants et les retraités : les perspectives stipulent un passage de 2.1 en 2010 à 1.50 en 2060 !

Capgeris

La Silver Economy constitue-t-elle une véritable voie de croissance et en ce sens un espoir dans la période morose que nous traversons ?

Denis JACQUAT

Cette filière existe depuis un certain temps, seul le terme est récent.
Il est certain que les « vieux » dépensent.

Ce marché constitue dès lors une voie de croissance et ce, d’autant plus, qu’aujourd’hui les gens prennent de plus en plus conscience que l’Etat ne peut plus tout prendre en charge et qu’il convient pour chacun de participer aux dépenses.

Les « vieux » souhaitant profiter de leur retraite, leurs dépenses impactent sur la consommation intérieure, ce qui favorise la création d’emplois.


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